Cinq questions à Jean Claude Vuemba Luzamba

Hon JC Vuemba, Pdt Nat du MPCR

Photo Gabin MUKE S "RT KAVTA"


Le Potentiel n°5193 du lundi 4 Avril 2011

Cinq questions à Jean Claude Vuemba Luzamba

1.  Quelle est votre réaction à la démarche de la firme américaine CTC qui exige de la République Démocratique du Congo la réparation d'un milliard de dollars américains (1 milliard USD) ?

En ce qui concerne la CTC, au vu de la ruse qu'affiche cette firme, j'estime que c'est de bonne guerre de leur part car, n'ayant pas pu exécuter le contrat signé avec la République Démocratique du Congo, il fallait s'attendre qu'elle cherche par tous les moyens à se faire dédommager. Par ailleurs, il est regrettable de constater à quel point notre pays n'est pas gouverné. Car, on aurait pu éviter tout cela si chaque institution saisie de cette affaire – à savoir : le Législatif, l'Exécutif et le Judiciaire – avait joué pleinement son rôle.

2.  Quelle est l'origine de cette affaire ?

Tout est parti de la volonté du gouvernement de la République de restructurer les régies financières en vue d'une mobilisation accrue des recettes de l'Etat. C'est à ce titre que trois ministres de la République, en accord avec le bureau de la présidence de la République, ont signé un contrat d'assistance technique avec la firme américaine CTC, sur recommandation du Président de la République qui, après un voyage en Angola, avait apprécié les performances de cette entreprise auprès de ce pays frère. Cependant, la firme CTC qui a signé avec la République Démocratique du Congo n'est pas celle qui est implantée en Angola. Il s'agit plutôt d'une société créée de toutes pièces pour les besoins de la cause à Delaware, un paradis fiscal des Etats-Unis, à l'initiative des ministres précités et de quelques cadres dirigeants de la société CTC installée en Angola. Le Président de la République a été tout simplement floué dans cette magouille de gros sous.

3.  Quelle a été la position de l'Assemblée Nationale ?

Au cours de la séance plénière du 9 Juin 2009, j'avais présenté une motion d'information par laquelle je dénonçais les conditions dans lesquelles ce marché avait été conclu ainsi que les contraintes auxquelles la République Démocratique du Congo, à travers l'Ofida, était soumise pour permettre à la CTC de réaliser son fameux programme. En effet, ce marché a été conclu sans appel d'offres, sans aucune publicité autour des négociations. Ce qui est contraire aux règles en matière de passation des marchés publics. En outre, notre pays a été contraint de décaisser une bagatelle somme de 7,5 millions USD comme frais de recrutement et d'installation des 63 experts de la CTC, alors que c'est cette firme qui aurait dû verser à la République un montant consistant à titre de pas de porte. Sans oublier que les membres des familles de certains ministres et conseillers de la présidence figuraient parmi le personnel de CTC. Ce qui constitue une prise illégale d'intérêt et un délit d'initié. Et, sans avoir démontré ses capacités à accroître les recettes douanières, une prime correspondante à 20% des recettes réalisées par l'Ofida était d'office attribuée au prorata de l'accroissement des recettes réalisées grâce à l'expertise de CTC. Il sied aussi de relever les écarts de salaire allant de 500USD à 30.000 USD constatés entre les directeurs de l'Ofida et les « fameux » experts de CTC. L'Assemblée plénière a immédiatement, conformément à l'article 178 de notre Règlement intérieur, créé une commission d'enquête parlementaire à cette fin. Malgré heureusement, cette commission n'a pas pu se déployer sur terrain jusqu'à ce jour, sans aucune explication officielle. Or, il aurait été facile à cette commission parlementaire de démontrer les caractères mafieux et prédateurs de ce contrat et de solliciter, par la suite, sa résiliation en bonne et due forme, sans aucun préjudice pour la République.

4.  Quelle a été la position du gouvernement ?

Face à la virulence de notre dénonciation, et se voyant démasqué, le gouvernement  de la République s'est contenté de geler l'exécution dudit contrat jusqu'à son extinction tacite. Ce qui a offert des armes à la firme CTC pour s'attaquer à la République Démocratique du Congo au motif du non respect des clauses du contrat. Cependant, les responsables de cette magouille se sont allègrement partagé les commissions libérées par la firme CTC laquelle a empoché indûment des montants faramineux de plus de 350 millions USD sur le compte du trésor public. Pire : la firme CTC a quitté tranquillement le pays sans même prendre la peine d'honorer les engagements qu'elle avait conclus avec certaines entreprises de sous-traitance locales et qui représentent plus de 3 millions USD. Pourtant j'avais, par ma correspondance du 19 Avril 2010 reçue le lendemain par le parquet général de la République, saisi le procureur général de la République afin de réclamer l'ouverture d'une enquête. Mais, ma correspondance est restée lettre morte jusqu'à ce jour.

5.  Comment pensez-vous que la RDC peut se tirer d'affaire à bon compte ?

Il faudrait d'abord et avant tout que le pays se dote d'un bon avocat, capable de défendre ses intérêts auprès du Tribunal international où l'affaire est en jugement, et non de sécher les audiences comme cela se fait actuellement. L'avocat de la République devra démontrer auprès de cette juridiction internationale que le pays avait été abusé par un contrat léonin et obtenir un jugement en faveur de la RDC. Cependant, il faudra craindre que les auteurs de ce crime économique ne puissent influer négativement sur l'attitude de la République dans ce procès. C'est la raison pour laquelle je demande que l'opération « Tolérance zéro », se mette en branle pour sanctionner sans exception tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire.

 

Propos recueillis par Angelo MOBATELI

(*) Député national, Président du MPCR



04/04/2011
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