Enjeux électoraux : le piège de l’opposition

Le Journal du Centre n°148 du 20 au 26 Août 2010

Enjeux électoraux : le piège de l'opposition

La publication par la CEI du calendrier électoral continue à susciter diverses réactions au sein de la classe politique congolaise. Une analyse de toutes réactions laisse croire qu'une bonne partie de la classe politique n'est pas du tout d'accord avec le président de la CEI, l'abbé Malu Malu qui n'a plus mandat d'organiser les prochaines élections. La loi sur la CENI étant déjà promulguée par le président de la République. Pour cette partie de la classe politique, c'est à la CENI, qui attend encore la désignation de ses animateurs, de faire justement ce travail. Elle n'arrive pas à s'expliquer cette obsession de Malu Malu de s'accrocher à l'organisation des élections. Surtout quand on sait qu'il avait laissé entendre que le moment était venu pour lui de se reposer et que la présidence de la CENI qui ne l'intéressait pas d'autant plus que son diocèse avait grandement besoin de lui.

Au-delà de ce d'aucuns appellent violation de la constitution, il y a lieu de se demander si la classe politique est réellement prête à aller aux élections. Si tel était le cas, pourquoi alors cet acharnement sur Malu Malu qui n'a fait que baliser le chemin pour la CENI ? Quitte à elle de corriger les imperfections constatées dans ce travail réalisé par la CEI. Ci-après quelques réactions dont votre hebdomadaire s'est fait l'écho depuis la publication du calendrier électoral.

Le MLC exige une table-ronde

Le mouvement de Libération du Congo (MLC) exige l'organisation d'une table-ronde autour du calendrier électoral publié par la Commission Electorale Indépendante (CEI) afin d'éviter une crise politique. Pour le Secrétaire Exécutif Thomas LUHAKA, le président de la CEI n'a pas qualité de publier le calendrier des prochaines échéances électorales. Il appelle à des concertations politiques pour « garantir un processus consensuel, crédible et responsable « Dans un communiqué publié le 10 Août, le MLC avait notamment condamné le caractère inconstitutionnel des dates retenues des prochaines échéances électorales qui ont pour effet  de proroger indûment le mandat que le peuple a accordé à ses élus. Le MLC avait dénoncé les délais trop longs introduits entre l'élection des députés provinciaux et ceux des gouverneurs et sénateurs. Il avait également déploré que quatre ans après la promulgation de la Constitution du 18 Février 2006, la CEI et son président soient toujours en activité.

Confédération des démocrates chrétiens : « c'est inadmissible »

Le président de la Confédération des démocrates chrétiens, le sénateur Florentin Mokonda Bonza estime qu'il est inadmissible que la CEI puisse continuer à agir en lieu et place de la CENI. D'après lui, les élections de 2006 n'ont pas donné à la République Démocratique du Congo un leadership capable de résoudre les problèmes de la population et du pays et la CEI n'a plus des raisons d'être. « La CEI est-elle encore censée pouvoir rendre public le calendrier ? Ça, ce n'est pas normal. Ça c'est le travail de la CENI. Ce que nous attendons aujourd'hui, c'est la mise en place du bureau de la CENI de telle manière que cette dernière se mette au travail ». Par ailleurs, Florentin Mokonda Bonza a accusé certains partis de la majorité de s'engager déjà dans la campagne électorale alors que la loi électorale n'est pas encore votée.

Jean Claude Vuemba : « ce calendrier n'engage que la CEI »

Jean Claude Vuemba, député national membre de l'opposition et président du MPCR dénie à la CEI la prérogative de publier ce calendrier puisque la loi sur la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), est déjà promulguée. « C'est un calendrier qui n'engage que les affaires courantes parce que le président Kabila a déjà promulgué la loi sur la CENI. Cela revient à dire, selon le député Vuemba, que la CEI devait se limiter à terminer l'enrôlement au Bas-Congo et attendre la CENI, quitte à proposer à cette dernière un canevas de travail lors de la remise et reprise. Le député Vuemba estime que la CEI a renvoyé aux calendes grecques les élections locales, « en sachant très bien que tous les administratifs et supplétifs territoriaux ont été désignés par les partis politiques de la majorité ». « Faut-il avoir les mêmes personnes à la tête des circonscriptions électorales dans lesquelles nous allons repartir pour faire les élections ? », S'interroge-t-il.

« C'est un calendrier raisonnable », selon Jean Cyrus Mirindi du PPRD.

« Le calendrier des prochaines élections générales publié par la CEI est raisonnable en ce qu'il relève notamment d'une préoccupation en termes de gestion de l'avenir », a estimé pour sa part Jean Cyrus Mirindi Batumike Nkuba, conseiller chargé des études, stratégies et propagande au secrétariat général du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD). Il a en outre soutenu que la CEI joue le rôle de la CENI en attendant la désignation des animateurs de cette dernière conformément à la constitution.

La VSV dénonce une violation de la constitution

L'ONG de défense des droits de l'homme « La Voix des sans Voix » (VSV) estime que la publication du calendrier électoral par la CEI est une violation de la constitution. Dans un communiqué publié à Kinshasa, cette organisation demande aussi à la CEI de revoir rapidement ce calendrier ou de laisser simplement sa place à la CENI pour l'élaboration d'un nouveau calendrier. D'après la VSV, il n'est pas normal que le calendrier électoral s'étale sur une longue période allant de 2010 à 2013.

Malu Malu rassure

« Tout citoyen est libre de saisir la Cour Suprême s'il constate  que la loi est violée et la CEI se pliera à la décision de cette Cour si elle en décide autrement », a déclaré le président de la CEI en réaction aux accusations relayées Jean Claude Vuemba et la VSV. Selon Apollinaire Malu Malu, tous les paramètres d'ordre légal, logistique et financier ont été pris en compte avant la publication de ce calendrier. En sus, des consultations ont eu lieu avec les institutions de la République et les Nations Unies avant la publication de ce calendrier, a indiqué Apollinaire Malu Malu.

Le piège de l'opposition

Aux yeux de certains analystes, cette agitation de la classe politique, plus particulièrement de l'opposition laisse visiblement croire à une certaine peur panique qui aurait gagné des acteurs politiques congolais. On dirait que beaucoup ne se sont pas encore réellement préparés pour affronter ces élections et les remporter. En prédisant cette crise, ces politiciens espèrent laisser passer le temps dans l'espoir de réunir les moyens nécessaires pour battre campagne. Ce qui n'est pas du tout évident. Tout compte fait une crise politique ne sera donc pas du tout la bienvenue. Elle risque de mettre en péril la jeune démocratie congolaise. Au lieu de s'en prendre à Malu Malu, la classe politique devait plutôt faire pression pour obtenir la désignation des membres de la CENI comme elle le souhaite. Mais depuis la promulgation de la loi sur cette structure d'appui à la démocratie, on ne sent pas d'empressement et d'engagement de l'opposition à vouloir à tout prix obtenir la désignation des animateurs de la CENI. Que cache donc ce mutisme ? A la majorité de jouer donc franc jeu en prenant toutes les dispositions nécessaires pour éviter de tomber dans le piège de l'opposition. Car elle n'a rien à gagner dans cette éventuelle crise politique. Alors que l'opposition semble être prête à tout sauf à aller aux élections.

Il curieux de constater que l'opposition est restée calme sans jamais s'inquiéter de l'absence d'un chronogramme de prochaines élections alors que les échéances approchaient inexorablement mais qu'elle s'agite dès lors qu'un calendrier est publié.

Le soutien des USA

Mais en attendant le dénouement de cette affaire, certains partenaires de la RDC ont commencé à donner de la voix pour annoncer leur appui à l'organisation de ce scrutin. C'est le cas notamment des USA. De passage à Kinshasa, son sous-secrétaire adjoint aux affaires africaines du département d'Etat chargée de l'Afrique australe, Susan Page, a promis le soutien de son pays au processus électoral en RDC. « Les Etats-Unis sont contents de l'élaboration et de la publication du calendrier électoral en RDC bien qu'il soit inversé. Ce processus devrait commencer par la base pour se terminer par la présidentielle. « Néanmoins, nous allons contribuer à soutenir le processus électoral, y compris avec le soutien que nous portons à la Monusco (Mission de l'ONU pour la stabilisation du Congo) et le programme soutenu par l'USAID sur l'éducation civique dans quatre provinces du pays », a-t-elle souligné. Mais elle n'a pas révélé la hauteur de cet appui. On rappelle cependant que le budget du scrutin élaboré par la CEI est de 712 millions USD.

Monusco aussi

En plus des USA, la MONUSCO, par la bouche de son chef, l'ambassadeur Roger Meeche, a aussi annoncé son appui à l'organisation de ces élections qui, selon lui, constituent une priorité. « Les Nations-Unies apporteront un appui conséquent, notamment dans le domaine logistique, en vue de combler les besoins importants », a-t-il dit. Le chef de la MONUSCO a rencontré le président de la CEI le 17 août 2010 à Kinshasa en vue de discuter de la planification des opérations logistiques et du déploiement du matériel électoral sur l'ensemble du pays, en tenant compte des exigences du calendrier électoral rendu public le 09 août 2010.

Comme on le voit, sans ce calendrier, la MONUSCO ne penserait pas à la planification des opérations logistiques et au déploiement du matériel en vue de garantir l'organisation des élections 2011.  



02/09/2010
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