Voilà les quatre candidats majeurs

CONGO NEWS du mardi 14 Décembre 2010,

Voilà les quatre candidats majeurs

 

Tous les analystes ou presque s'accordaient sur un fait avec le retour en triomphe d'Etienne Tshisekedi wa Mulumba: les lignes ont bougé. Rien à faire, elles se sont écartées considérablement de cette thèse encrée dans les esprits des Kabilistes, selon laquelle Joseph Kabila allait gagner haut la main faute d'un challenger sérieux. Elles continueront inévitablement à bouger. D'abord avec Vital Kamerhe cet avant-midi au GB-le super marché de Jeannot Bemba Saolona, le défunt père de Jean-Pierre Bemba Gombo qui a imposé au MLC sa candidature à l'élection présidentielle quoiqu'il reste en détention à la CPI -Cour pénale internationale. Kamerhe est attendu dans une conférence de presse où il tracera, selon son entourage immédiat, son avenir politique dans la perspective de sa candidature contre Joseph Kabila. Des observateurs s'attendent à ce qu'il démissionne officiellement du PPRD auquel il aura à restituer, à la même occasion, son mandat de député national. Kamerhe opérera cette sortie sous les couleurs de son propre parti politique UNC - Union pour la nation congolaise - dont la permanence est déjà installée sur l'avenue de l'Enseignement, non loin du siège du MLC et de l'ULDC de Raymond Tshibanda Tungamulongo, l'actuel ministre de la Coopération régionale. Les lignes pourront bouger, une nouvelle fois, en janvier prochain avec la très probable entrée en scène de Léon Kengo wa Dondo, le président du Sénat. Des sources dignes de foi le donnent candidat à l'élection présidentielle 2011 même si l'intéressé se réserve d'en parler en public.

La dernière fois que l'homme de la rigueur en a discuté avec des proches, c'est à Rome, lors du sacre cardinalice de Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, connu comme le grand pote de Kengo. L'ami archevêque a participé lui-même à l'échange en compagnie du riche compagnon de tous les temps Jean Seti Yale, ancien conseiller spécial du Maréchal Mobutu en matière de sécurité et de quelques amis occidentaux du réseau Kengo à Bruxelles. Seti aurait été favorable à l'idée de placer des hommes liges, quitte à tirer les ficelles dans les coulisses. Kengo, lui, trouve qu'il a encore assez de force pour se lancer dans une nouvelle bataille. Pas évident qu'il écoute son ami Seti qui avait déjà tenté de le dissuader lorsqu'il s'était lancé pour la conquête de la présidence du bureau du Sénat. Surtout que Kengo aurait déjà créé un parti politique qu'il pense porter sur les fonts baptismaux en janvier prochain. Les cadres de ce parti se recruteraient essentiellement parmi les sénateurs et des notables de l'Equateur et même Bembistes, angoissés à l'idée que la province s'efface à l'échelle nationale avec l'absence de Bemba. Tshisekedi et Kabila déjà déclarés, Kamerhe et Kengo en passe de le faire, voilà les quatre candidats majeurs autour desquels se jouera la prochaine bataille pour le fauteuil présidentiel. Des atouts, chacun d'entre eux en disposent mais ils ne présentent pas tous les mêmes chances. L'avantage principal de Kengo, c'est cette potentialité qu'il a entre les mains de pouvoir fédérer l'Equateur, écartelé aujourd'hui entre le Sud sous contrôle de José Endundo Bononge grâce à sa fonction et le Nord qui avait donné beaucoup de voix à François-Joseph Nzanga Mobutu au premier tour de l'élection présidentielle en 2006. Reste que la cote du fils Mobutu n'est pas restée la même du fait d'avoir participé à la gestion sans compter que certains de ses corégionnaires avaient pris son ralliement au second tour pour une trahison à la mémoire de son géniteur. Fédérer l'Equateur peut entraîner dans la même escarcelle presque toute la partie Ouest lingalaphone de la Province Orientale. Notez que Bemba et Nzanga y avaient fait le plein de voix en 2006. D'ailleurs les habitants de ce district de Bas-Uele et les Equatoriens s'appellent entre eux «noko» (oncles).

Les plus grandes figures politiques connues sur e plan national ici sont Mokonda Bonza, ancien directeur de cabinet du Maréchal et le général Likulia Bolongo, le tout dernier Premier ministre de Mobutu sous la transition. Si Monsengwo venait à jouer pour Kengo, l'électorat de celui-ci pourrait s'étendre jusque dans la province du Bandundu, au pays Sakata et même, dans une certaine mesure à Kinshasa. Kengo devra compter avec la campagne électorale si jamais ses adversaires ne cherchent pas à exhumer cette période de la rigueur qui a plus enrichi la classe dirigeante qu'elle n'a apporté un plus sur le plan social. Cette province de l'Equateur à portée de main pour Kengo fait l'objet d'une grande convoitise de la part de Joseph Kabila. La preuve, 'le nombre de visites présidentielles multipliées depuis la fin de l'année dernière à Mbandaka-Ekanga Ngenge. Par deux fois, Kabila a même fait une incursion à Gemena cette année. La première pour annoncer le début des travaux de réhabilitation de l'hôpital général de Gemena et la seconde pour poser la première pierre. Tout le soutien exprimé à Jean-Claude Baende alors sous la menace d'une enquête sénatoriale concourt à cet intérêt. Ici comme partout à travers la République, la stratégie kabiliste reste la même: séduire via la construction des ouvrages infrastructurels. A Kinshasa, cette approche avait provoqué un grand engouement autour de la nouvelle fontaine de la Gare centrale et de la tribune du boulevard Triomphal tel que certains avaient pensé que la capitale réputée pro-opposition avait changé de mains. Voilà qui a été démenti par la longue procession tshisekediste du 8 décembre.

N'empêche. Kabila peut toujours se consoler d'avoir réussi à convertir bien de Kinois touchés immédiatement par ses réalisations. Comme des habitants de Kinsuka sortis de leur isolement avec l'érection du pont Kinsuka sur l'avenue du Tourisme, elle-même réhabilitée. S'il s'est flatté, dans son dernier discours sur l'état de la nation, de ce qu'il a réalisé, Kabila pêchera s'il n'anticipe pas sur les attaques des opposants portés à en minimiser l'impacte en comparaison à la dégradation du social. Le pire risque de venir du bastion kabiliste quasi inexpugnable de l'Est où Kamerhe peut faire très mal s'il associe la misère ambiante à l'insécurité récurrente pour ne pas dire permanente dans certaines contrées du Nord et du Sud-Kivu. Si Kamerhe venait à évoquer, un jour, à Bukavu, son éviction pour s'être opposé à l'invitation de la RDF -Rwandese défense force- dans le Masisi-Walikale, ça sera mortel pour ses anciens camarades.

C'est là-bas que Kamerhe prévoit son premier meeting, dans cette ville légendaire- ment frondeuse qu'il désigne affectueusement Jérusalem, sa Jérusalem à lui où il s'est fait élire avec quelques 100.000 voix. Allez-y comprendre tout l'enjeu que cela comporte à partir de Bukavu qui donne le tempo dans une grande partie du Nord-Kivu, du Maniema ainsi que de la Province Orientale, notamment la partie Est de celle-ci. Tout à l'Est, le Katanga fait exception. La province d'origine du Président de la République n'a pas la tradition de plier à l'air du temps en provenance de Bukavu. Son électorat est connu pro-Kabila mais avec d'importantes sympathies pro-opposition, notamment dans les grandes villes à forte présence kasaïenne comme Lubumbashi. Kabila envisage de s'y consolider avec la nomination pressentie de Moïse Katumbi comme son directeur de campagne. Du fait qu'il dispose d'assez de ressorts pour disputer à Kabila son traditionnel électorat de l'Est, cela fait de Kamerhe le candidat le plus redoutable de la partition 2011. S'il ne gagne pas, il sera celui qui départagera au second tour. Etienne Tshiekedi paraissait acquis à cette approche pour l'avoir invité à l'inauguration du premier congrès de l'UDPS, le 10 décembre, au Centre féminin Marna Mobutu, à la l3eme rue Limete.

D'autres opposants ont été également conviés à cette manifestation. Comme Jean-Claude Vuemba, Azarias Ruberwa, l'ancien vice- président de République, Ne Mwanda Nsemi, le gourou de Bundu dia Kongo ou encore Franck Diongo, l'homme de confiance qui mérite même des combattants de l'UDPS pour sa constance. A tout seigneur, tout honneur, Vital Kamerhe a été le premier à se faire présenter à l'auditoire en sa qualité d'ancien président de l'Assemblée nationale. L'autre atout de Kamerhe, c'est qu'il parle les quatre langues nationales et qu'il peut donc toucher directement les coeurs des Bas- Congolais ou des Kasaïens. Mais, dans le Bas-Congo par exemple, il ne parlera pas avec plus de familiarité que Ne Mwanda Nsemi qui a promis de battre campagne pour Tshisekedi.

Au Kasaï Oriental, notamment à Mbuji, il faudra plus à Kamerhe pour détourner ses masses tshisekedistes qui sont allées accueillir l'historique opposant virtuellement à l'aéroport de Bipemba pendant que son avion atterrissait à l'aéroport de N'Djili. Dans cette province diamantifère le plein de voix est assuré pour le sphinx. De même que la province voisine du Kasaï Occidental, à l'exception des peuples tetela, songye et autres qui avaient voté, en majorité, pour Joseph Kabila. Pour un homme dans l'incapacité de faire la campagne lui-même, Tshisekedi n'a qu'à compter sur des leaders relais locaux. Si Antoine Gizenga avait obtenu 13 pc au premier de l'élection présidentielle 2006 sans effectuer le moindre déplacement, le quasi octogénaire -Tshisekedi totalise 78 ans d'âge le 14 décembre- a des raisons d'espérer plus au regard de l'implantation de l'UDPS. Avec cet homme qui a donné toute sa vie pour la lutte pro-démocratie, il y a lieu de penser à une sorte de gratitude collective à attendre des électeurs en reconnaissance du dernier sursaut qu'il est entrain d'accomplir alors que toute sa force de jeunesse l'a abandonnée. Tshisekedi et Kamerhe connaissent tous deux une certaine faiblesse, le cordon de la bourse. Pour gagner l'élection, il faudra compter avec la présence des témoins dans tous les bureaux de vote. Une étude estime le coût minimal de cette opération à 1.500.000 dollars. Ce n'est pas Kabila qui s'en plaindra. Il a dépensé plus en 2006.

Ses soucis sont à situer ailleurs, notamment comment faire pour gagner de nouveaux ralliements. Il en a déjà gagné de taille à l'image de Fuka Unzola, l'homme le plus populaire de Matadi, qui a quitté 'Union pour la nation pour rejoindre l'Entente inter-provinciale, une organisation kabiliste créée en hommage de Samba Kaputo. La carte Fuka pourra bien faire face à Ne Mwanda Nsemi. Chez les Nande, Kabila a débauché le riche homme d'affaires Bwanakawa Nyoni qui jouit d'une grande influence dans le Grand Nord, à Beni-Butembo. Dans le Bandundu, l'autorité morale de l'AMP dort tranquille sur ses lauriers chaque fois qu'il apprend que le PALU lui a renouvelé sa loyauté. Encore que le PALU a poussé des tentacules ailleurs, outre son bastion de l'Est de Kinshasa et les pourtours de deux Kasaï, voisins au Bandundu.

La montée d'autres partis comme l'ARC dans la même province ne manquera pas- de conforter Kabila dans une certaine mesure. Les uns et les autres auront plus à courir dans les capitales du monde d'autant qu'une élection se gagne aussi à l'extérieur.

Sur ce plan Kamerhe a pris une longueur d'avance, notamment dans les hautes sphères politiques à Washington où José Makila, introduit par un ami, l'avait précédé. Selon des sources crédibles, l'ancien gouverneur de l'Equateur s'est vu imposer de ranger dans la dynamique kamerhiste composée de 11 personnalités politiques à raison d'un par province. Le plus habile sur ce terrain reste Kengo qui dispose des entrées certaines dans les milieux politiques belges. Quant à Tshisekedi, ses alliés les plus sûrs sont les socialistes suédois. Ils étaient présents dans sa suite à l'aéroport de N'Djili en compagnie des hommes politiques allemands. Ces suédois qui prennent part au congrès ont déjeuné avec Tshisekedi et un groupe d'opposants le 10 décembre, Kabila garde tout de même la main grâce à sa fonction qui lui permet de se faire recevoir dans toutes les capitales du monde par ses homologues chefs d'Etat. Dans l'ensemble, le jeu est très ouvert avec une victoire assez improbable au premier tour.

H.M. MUKEBAYI NKOSO



05/01/2011
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