Les opposants s’excluent mutuellement
De g. à dr., de ht en bas, Tshisekedi (UDPS), Kamerhe (UNC), Bemba (MLC), Kengo (Ind.), Kiakwama (CDC), Lisanga (CCD), Mobutu (UDEMO), (UN), Vuemba Luzamba (MPCR), F. Mwamba (MLC). Déclarés ou en voie. DROITS RÉSERVÉS.
Le Soft n°1090 du vendredi 18 Février 2011,
Les opposants s'excluent mutuellement
Des jeunes politiciens que l'on connaît pour leur fréquentation des studios de télévision - Franck Diongo, un ancien député invalidé, Steve Mbikayi, un ancien syndicaliste limogé, Martin Fayulu, un député provincial en guerre ouverte avec l'Exécutif provincial de la ville de Kinshasa et un professeur de science politique Augustin Mampuya - paraissent avoir tourné la tête à Étienne Tshisekedi qui, d'une phrase, a renvoyé ses amis de la course à la Présidentielle de novembre.
Longtemps roulé par tous, Tshisekedi a résolu cette fois de ne pas se faire voler sa victoire qu'il croit proche mais en diabolisant à outrance ses amis, il les raidit. On l'a toujours accusé d'être le champion toutes catégories de ceux qui excluent d'autres des compétitions. À l'arrivée, c'est lui qui, paradoxalement, s'est à chaque fois, fait exclure.
Le chef de l'UDPS, Étienne Tshisekedi wa Mulumba en remet cette fois et de la meilleure manière.
«Je n'ai pas lutté trente ans pour laisser ma place à un autre!»
D'en rajouter de la meilleure manière encore: «J'ai lutté trente ans avec mon parti pour prendre le pouvoir au Congo et instaurer un État de droit. Vous comprendrez que je n'accepterai aucun compromis dans ce sens là. Celui qui n'est pas d'accord avec le programme de l'UDPS est libre de faire ce qu'il veut. On n'est pas obligé de faire une plateforme avec l'UDPS, mais l'UDPS est préparée à se présenter aux élections et à les gagner. S'il y a quelqu'un d'autre qui veut que ce soit sa candidature qui passe, cela ne peut pas se faire!»
Toc!
Le Sphinx a lâché ces mots en marge d'un meeting à l'occasion du 29e anniversaire de son parti, l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social, célébré mardi 15 février 2011 dans la Capitale.
Un jour, l'actuel président sénégalais Abdoulaye Wade chargé d'une mission dans l'ex-Zaïre, lâchait: «Le Zaïre dispose de la plus bête opposition au monde». Les choses n'auraient donc pas changé...
«TSHISEKEDI N'EST PLUS L'HOMME QU'ON CONNAISSAIT».
La veille pourtant de ces déclarations de Tshikas, le Dép. Jean-Claude Vuemba Luzamba (MPCR, opp.) y croyait encore dur comme fer.
Reçu à la maison du Soft, l'homme qui avait eu tous les torts d'avoir cette ingénieuse idée de rassemblement et de la laisser pousser au débat, nous confiait, la main sur le cœur: «J'ai rencontré Étienne Tshisekedi plusieurs fois ces derniers jours. J'ai longuement échangé avec lui. Tshisekedi n'est plus l'homme que nous connaissions hier - l'homme des exclusions -, l'homme arrogant».
Puis: «Il m'a assuré qu'il acceptait la rencontre avec tous les autres opposants institutionnels et non institutionnels afin de concevoir et de rédiger un programme commun d'alternance, et seulement après, nous pourrions choisir le meilleur d'entre nous. Il m'a même dit qu'il était prêt à se ranger derrière la volonté de la majorité si son nom ne parvenait pas à recueillir le consensus voulu. Je lui fais pleine et entière confiance».
Qu'est-ce qui s'est donc passé entre ces concertations et les déclarations unilatérales du Sphinx mardi dernier?
Huit personnalités dont on connaît l'existence sur des plateaux de télévision ont annoncé la création d'une DTP, Dynamique Tshisekedi Président sur le modèle d'une initiative venue d'Europe Tshisekedi For President et qui paraît avoir fait long feu. En effet, nul n'en entend plus parler hormis une sortie à Bruxelles et à Paris à la veille de l'annonce du retour du leader de l'UDPS au pays...
KAMERHE AMÉLIORE L'OFFRE D'UNE CANDIDATURE UNIQUE.
En séjour à Bruxelles, début février, l'ancien président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe, passé désormais à l'opposition après avoir porté sur les fonts baptismaux son UNC, Union pour la nation congolaise, avait saisi la balle au bond de Jean-Claude Vuemba en l'améliorant, estimant qu'il faut au prélable dessiner le «profil» du candidat de l'opposition à la Présidentielle et, qu'en ce qui le concerne, il n'accepterait aucun diktat de qui que ce soit. La réponse du camp tshisekediste ne se fit guère longtemps attendre. C'est non!
«En ce qui nous concerne, notre candidat est déjà connu: c'est Étienne Tshisekedi wa Mulumba. On ne discute pas», déclarait et répétait à l'envi Franck Diongo, qui dirige un parti politique, le MLP, Mouvement Lumumbiste Progressiste.
Diongo, un ancien député national (Kinshasa) invalidé, fait partie de la DTP, tout comme Steve Mbikayi, un ancien syndicaliste de Solidarité limogé à l'ONATRA, Office national des Transports, qui a fondé le Parti Travailliste. De même que le Dép. provincial (Kinshasa) Martin Fayulu, qui dirige un parti ECIDE et en guerre ouverte avec l'Exécutif provincial de la ville de Kinshasa, enfin le professeur de science politique Augustin Mampuya, président du RADER. À ces partis, s'ajoutait au moins un autre, l'ANALCO!
Si pour Vuemba, il faut d'abord élaborer un Programme Commun de Gouvernement d'Alternance de l'Opposition pour 2011, les initiateurs de la DTP ne veulent pas perdre du temps: il faut d'abord désigner «le candidat consensuel de l'Opposition autour duquel toutes les énergies vont converger». Tandis que d'autres - c'est le cas du Coordonnateur de l'Union pour la Nation, le Dép. Clément Kanku Bukasa et de l'ancien ministre Eugène Diomi Ndongala, président de la DC, Démocratie Chrétienne - il faut d'abord convoquer une table-ronde de l'opposition.
Mardi 15 février, le discours entendu à l'UDPS ne prête à aucune confusion. «Le camp de la mouvance présidentielle est déjà en campagne», chauffe le secrétaire général de l'UDPS, Jacquemain Shabani Lukoo. «L'UDPS entre également en campagne de mobilisation dès ce jour!» En clair, il n'y a pas de temps à perdre.
«ÉGYPTE! TUNISIE!», LES PARTISANS DE L'UDPS VEULENT S'EN INSPIRER.
On a aussi entendu divers cris des partisans: «La Tunisie arrive!» «Égypte! Tunisie!», les partisans de l'UDPS veulent s'en inspirer.
Les derniers développements sur le Continent (Tunisie, Égypte après Conakry et Abidjan), ils veulent s'en servir comme modèle. Comment? Face à la tentation qu'il sent du pouvoir de le tourner en bourrique notamment ces refus sans cesse de le laisser accéder à des salles (espace de la Fikin, salon Congo du GHK, etc.) pour ses manifestations, Tshisekedi avertit: lors du meeting qu'il convoque pour le 24 avril, jour de fête de la démocratie, cette réunion aura lieu ou alors le pouvoir verra ce qu'il verra!
Il reste que les déclarations du chef de l'UDPS ne vont pas dans le sens de l'harmonie dans l'opposition. Au starting-block, bon nombre se sont déjà déclarés ou en voie de l'être. Outre Tshisekedi lui-même, on note Vital Kamerhe, Jean-Pierre Bemba Gombo qui pourrait prendre le départ libre ou pas de la CPI, François Nzanga Mobutu, Jean-Pierre Lisanga Bonganga, Léon Kengo wa Dondo, Gilbert Kiakwama kia Kiziki qui pourrait néanmoins s'effacer si son co-président de CDC Florentin Mokonda Bonza se présente.
Au MLC, ce ne sont pas les appétits qui font défaut. Mais nul ne voudrait se faire broyer sans savoir clairement ce que pense le Chairman. Ce n'est pas que François Mwamba Tshishimbi, le secrétaire général du MLC manque d'ambition. Loin de là! Mais le jour où il ose se présenter sera le jour où il aura mis une croix sur sa carrière au MLC... Va-t-il continuer à se laisser humilier et jusque quand?
Pour l'instant, Mwamba laisse place à l'ancien gouverneur de la province de l'Équateur José Makila Sumanda. Celui qui passe pour l'un des meilleurs élus des Législatives de 2006 avec 117.900 voix sur la liste MLC dans la ville de Gemena, l'ancien ministre des Travaux publics et Aménagement du territoire est loin, malgré ses déboires politiques, d'avoir jeté l'éponge.
Si l'UDPS fait alliance avec de petits partis et des personnalités périphériques, nul ne voyait comment les opposants qui ont pignon sur rue accepteraient sans garantie de se faire écraser, fût-ce par un homme qui hier a pesé de tout son poids sur l'échiquier politique national mais qui, aux dires de certains, a déjà mangé son pain blanc.
En diabolisant ceux avec qui il aurait intérêt à écouter et en remettant ses recettes des années transition Mobutu, Tshisekedi va les raidir tous. Alors que la mère des batailles approche, à l'opposition, chacun va s'estimer investi d'une mission céleste pour contrer le candidat de la Majorité.
D. DADEI