Instants fatidiques pour le Bas-Congo : Onze hommes pour le fauteuil du gouv'

AfricaNews n°732 du mercredi 29 au jeudi 30 Août 2012

Instants fatidiques pour le Bas-Congo

Onze hommes pour le fauteuil du gouv'

 

Jacques Mbadu, Muller Lutelo, Madeleine Mienze, Honoré Kikoka, Léonard Nsimba et Déo Nkusu, côté Majorité; Anatole Matusila, Jacques Lungwana, Fabrice Puela, Gilbert Kiakwama et Jean-Claude Vuemba, estampillés Opposition, engagés dans une course tragique pour succéder à Simon Floribert Mbatshi et devenir le 29ème gouverneur de l'histoire de la province côtière.

Le gouvernement et la CENI se sont accordés sur l'organisation des élections des gouverneurs en Province Orientale, au Kasaï Occidental et au Bas-Congo, a-t-on appris du ministère de l'intérieur. Les yeux sont rivés sur le Bas-Congo, province réputée rebelle, où les députés provinciaux, le corps électoral, sont très courtisés. Leurs suffrages sont convoités par onze candidats annoncés dans les starting-blocks : six de la Majorité présidentielle -MP- et cinq de l'Opposition. Véritable scénario de tragédie grecque dans la mesure où, à quelques exceptions près, tous les prétendants à la succession Simon Floribert Mbatshi Batshia sont des véritables acteurs de la vie politique bas-congolaise. A commencer par Jacques Mbadu Situ qui tente un come-back. Face à l'ex-gouv' se dressent des candidats aussi coriaces.

Dans les rangs de la MP, le président de l'Assemblée provinciale Léonard Nsimba, le remuant Muller Lutelo, élu PPRD de la ville frondeuse de Matadi, tous deux originaires du district du Bas-Fleuve comme Mbadu, Marie-Madeleine Mienze, numéro deux du PPRD, et Déo Nkusu, vice-gouverneur pendant plusieurs années et actuel gouverneur ai, pour les Cataractes, ainsi que le député MSR et ancien avocat général Honoré Kikoka Toni pour la Lukaya. Côté Opposition, le gros de la troupe vient de l'Assemblée nationale, notamment l'emblématique Gilbert Kiakwama et Jacques Lungwana dans les Cataractes, Pierre-Anatole Matusila et Jean-Claude Vuemba, dans la Lukaya et Fabrice Puela, originaire du Bas-Fleuve. Les jours qui suivent sont décisifs, les états-majors ayant prévu de faire la présélection et de mijoter les tickets susceptibles de l'emporter. L'enjeu est hautement politique. Dans un terrain acquis à l'Opposition, la MP doit batailler dur pour contrôler une province laissée durant ces quinze dernières années entre les mains des ressortissants du Bas-Fleuve et des Cataractes.

Pour le district de Lukaya, presque marginalisé, et les Opposants, prêts à assumer leur rôle et leur destin, ce scrutin doit avoir le goût de la nouveauté. Les chances des protagonistes. 
La CENI attend le décaissement d'USD 120.000 pour l'organisation matérielle de l'élection des gouverneurs. Battue aux dernières législatives dans une province où le Président Kabila a réalisé l'un de ses faibles scores, la Majorité entend rééditer l'exploit de 2007 en raflant, cette fois-ci encore, le fauteuil du gouverneur. Le choix devra tenir compte des équilibres et des quotas antérieurs. «De par sa réputation rebelle, le Bas-Congo a besoin d'un gouverneur politique, capable de rassurer tout le monde, d'avoir à la fois la confiance du Président Kabila dont il sera le représentant et celle des administrés», analyse un député national qui a refusé d'être nommé. L'élection se faisant au second degré, les directives de Kabila, autorité morale de la MP, seront déterminantes. Dans une province où deux districts sur trois, notamment le Bas-Fleuve et les Cataractes, ont donné, à eux seuls, les gouverneurs durant les 15 dernières années, Lukaya attend son heure et réclame justice. A l'instar des Opposants qui s'estiment en droit de diriger une province gagnée à leur courant politique. Avant d'en arriver là, onze candidats sont annoncés dans l'arène. Combat épique en vue. Entre, d'une part, la Majorité et l'Opposition. Et, de l'autre, les districts, pas disposés à se faire de cadeau. Vice-gouverneur sous la bannière RCD en 2004, second de Simon Floribert Mbatshi depuis 2007, devenu intérimaire après le sacre de ce dernier aux législatives nationales à Lukula, Déo Nkusu, originaire des Cataractes, rêve d'être confirmé. Il multiplie les actions de charme en direction de la population. Il vient d'annoncer, de manière fracassante, l'ouverture des états généraux de l'eau et de l'électricité, après avoir offert des bourses à 53 enfants des agents de la Cimenterie nationale -CINAT-, à Kimpese. Mais il se butte à un souci: ses rapports tumultueux avec l'Assemblée provinciale dont il convoite pourtant les suffrages des membres. Nkusu, élu député provincial à Matadi en 2006, doit cependant gagner son duel avec une soeur de district, qui a l'avantage d'être un pur produit du PPRD dont elle est numéro 2, Marie-Madeleine Mienze. Elue députée nationale en 2006 à Mbanza-Ngungu, Mienze, l'unique femme signalée dans la course, peut se targuer d'une longue expérience politique pour avoir été tour à tour vice-gouverneur, conseiller principal au cabinet d'Abdoulaye Yerodia Ndombasi et vice-ministre à l'Enseignement supérieur et universitaire dans le gouvernement Gizenga. Face à eux, deux autres frères issus de l'Opposition, deux députés élus et réélus à Mbanza-Ngungu, deux solides politiques, l'inoxydable CDC Gilbert Kiakwama et le MLC Jacques Lungwana. Le premier est le plus capé de tous. L'ancien comptable a tout fait, alternant entre la gestion des entreprises publiques et l'administration de portefeuilles ministériels. Après un début au Portefeuille en 1997, il occupe à l'alternat les postes de ministre des Finances, Budget et Portefeuille, puis du Plan et des Finances. Fondateur de Mika, association culturelle de défense et de promotion des valeurs culturelles et de la langue Kongo, il est aussi l'un des cofondateurs de l'université Kongo, première université privée de la RD-Congo, en 1990. Une icône Kongo répute radicale face à laquelle veut se mesurer un jeune cador, le MLC Jacques Lungwana, qui n'a que sa réputation de modéré, sa courte expérience de ministre 1+4 des Sports et la relative majorité bembiste à l'Assemblée provinciale, du reste défaite lors de l'élection du ticket Mbatshi-Nkusu en 2007. Comprendre : Lungwana ne doit pas se faire d'illusions face à des concurrents plus rodés. Aude-là de cette évidence, le district dont il est originaire est en ballotage défavorable, affirment certains analystes, arguant que les Cataractes ont déjà eu à diriger le Bas-Congo durant 4 années consécutives, via Léonard Fuka Unzola, 1997-998, et Séraphin Bavuidi Babingi, 1998-2001.


District contre district

Ce handicap, les candidats ressortissants du Bas-Fleuve devraient aussi s'en inquiéter. Leurs chances pourraient être amoindries par les 10 ans de mandat ininterrompu des Yombe à la tête de la province, notamment à travers feu César Tsasa-di-Tumba, 2002 à 2004 et de 2004 à octobre 2006, Jacques Mbadu, d'octobre 2006 à janvier 2007, et Simon Floribert Mbatshi, de février 2007 à mars 2012. Les fils du Bas-Fleuve ne l'entendent pas de cette oreille, ils sont pour l'heure quatre à se jeter à l'eau : trois Yombe, le député national RECO/Opposition Fabrice Puela, ses collègues MP Jacques Mbadu et Muller Lutelo ainsi qu'un Muwoyo de Moanda, le speaker de l'Assemblée provinciale Léonard Nsimba. Face au jeune élu PPRD de Matadi, Lutelo, soutenu, a-t-on appris, par les principaux notables yombe, Mbadu, Nsimba et Puela ne feraient pas le poids. «L'avocat Puela a déjà des problèmes pour pouvoir convaincre ses camarades de l'Opposition. On ne voit pas comment il peut faire l'unanimité chez les acteurs politiques ressortissants du Bas-Fleuve. Mbadu est populaire mais il trame l'image d'un gouverneur qui a été incapable de prévenir la révolte de Bundu-dia-Kongo. Son court mandat reste marqué par les incidents meurtriers entre les milices de Bundu dia Kongo et les éléments de la Police nationale. En plus de sa faible posture, Léonard Nsimba s'illustre, pour sa part, par le conflit entre l'exécutif provincial et son institution. Issu d'une minorité, il ne peut pas prétendre à la direction de la province. Aux trois, les notables du Bas-Fleuve préfèrent le jeune Lutelo, qui a su se distinguer à Matadi à l'issue de dernières législatives», confie un analyste. Sauf à vouloir pérenniser l'hégémonie du Bas-Fleuve ou à chercher à rétablir l'équilibre avec les Cataractes, Kabila, seul véritable arbitre de cette confrontation fratricide, celui dont le gouverneur est le représentant, sortirait davantage ragaillardi s'il abattait la carte de la justice en soutenant la candidature d'un fils de la Lukaya. Ici, la bataille s'annonce âpre entre l'unique prétendant MP, le député MSR Honoré Kikoka Toni, et les deux opposants Anatole Matusila ainsi que Jean-Claude Vuemba. Kikoka peut se bomber le torse. La population du territoire de Kimvula, l'un des dix que compte la province du Bas-Congo, a brillamment voté Kabila lors de la présidentielle de novembre 2011, soit 71% des voix contre 29 pour les 10 autres candidats présidents de la République. Alors que le Bas-Congo est compté parmi les trois provinces où Kabila a été mal élu, Kimvula fait figure d'exception en terre Kongo.


Le soutien populaire peut influencer le vote selon les agents de la CENI commis dans ce territoire, ce résultat résulte d'une campagne offensive et d'un travail de titan abattu par l'élu MSR, l'unique député de ce territoire avec 72% des voix contre 28 pour les autres candidats. Kikoka s'était déjà illustré par sa motion de soutien au chef de l'Etat lue à l'issue du défilé marquant le 51ème anniversaire de l'accession de la RDCongo à la souveraineté internationale. Cette motion, rappelle-t-on, invitait le Président Kabila à «visiter le territoire de Kimvula avant ou après sa réélection à la magistrature suprême». Ces actions à l'actif de Kikoka ne devraient, pas faire rougir le' docteur Anatole Matusila, confirmé président de l'historique ABAKO, l'ancien parti du premier Président de la République Joseph Kasa-Vubu, à l'issue d'une laborieuse bataille judiciaire. Matusila s'est déjà voué un destin national quand il a osé postuler à la présidentielle de 2006 dont il a été sorti dès le premier tour. Reste le bouillant et jeune Jean-Claude Vuemba, le leader du parti MPCR et du territoire de Kasangulu, où il a été élu en 2006 et réélu avec plus de 15.000 voix en 2011. Vuemba a été sur tous les fronts durant ces six dernières années. Facilitateur du conflit entre le gouvernement de la République et Bundu dia Kongo -BDK-, il est plusieurs fois monté à la tribune de la chambre basse en vue de plaider pour la résiliation du contrat léonin signé entre la SNEL et Mag-Energy ou contre le refoulement des RD-Congolais d'Angola, dénoncer l'importation des tonnes de riz avarié par la société Congo Futur, pollution due à la production de la compagnie pétrolière PERENCO… et les déchets toxiques de l'ex-MONUC. Il est dans le groupe de ceux qui plaident pour la nouveauté à la tête de l'exécutif provincial du Bas-Congo. Son radicalisme peut à la fois se révéler une faiblesse et un atout.

 

AKM



30/08/2012
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