Dangereux essai de Tshisekedi et compagnons
AfricaNews n°543 du lundi 10 au mardi 11 Janvier 2011
ILS PEUVENT TENIR LA DRAGEE HAUTE
Dangereux essai de Tshisekedi et compagnons
« Nous sommes sûrs d’une chose, l’opposition va battre Kabila même au premier tour », a soutenu un Tshikas très fédérateur au Grand Hôtel Kinshasa
Si c’était un test de cohésion, ils l’ont réussi en partie. Face à leur propre destin. Devant la nation conviée au débat sur la révision de la Constitution et de la loi électorale dans une période suspecte, l’Opposition entend prendre date avec l’histoire. Pour une fois, elle a pu parler d’une seule voix. Même s’ils ont encore des petites choses à régler, des problèmes d’humeur à oublier au profit de l’essentiel au profit de l’essentiel, notamment le combat pour idéal commun, la conquête et l’exercice du pouvoir, les opposants, ceux siégeant au sein des institutions comme ceux restés en dehors du processus, ont juré de tenir la dragée haute au Pouvoir. D’accord ou pas avec la méthode Muamba. Informés avant ou peu avant l’importante réunion du Grand Hôtel om ils ont été contraints –encore une mauvaise appréciation du Pouvoir- de se produire en dehors du cadre loué, même avant de faire lui-même le déplacement de la Palace. En l’absence de Vital Kamerhe et de Gilbert Kiakwama qui se sont fait dignement représenter. En présence des délégués de l’Union pour la Nation de Clément Kanku et avec l’approbation du Camp de l’USA, qui fait cependant part, via le député national Jean Pierre Lisanga Bonganga, de l’existence de deux blocs au sein de l’Opposition, les opposants ont fait un essai menaçant contre la majorité. Par la bouche de François Muamba, ils ont finalement donné une position commune, dimanche 9 janvier 2011, par rapport à l’éventuelle organisation d’un scrutin présidentiel à un tour qui taraude dans les têtes des membres de la Majorité présidentielle. L’Opposition a réaffirmé sa foi en la Constitution du 18 Février 2006 « qui doit être respectée par tous tout en rappelant que l’institution de deux tours de scrutin à la présidentielle est l’aboutissement d’une longue lutte des forces du changement démocratique contre la dictature en RD-Congo, un acquis de la CNS et du dialogue inter congolais ». De là, penser que la proposition de la mouvance présidentielle est une dangereuse marche en arrière, il n’y a qu’un pas vite franchi et l’Opposition rejette ainsi l’initiative des proches de Kabila en s’appuyant sur l’article 64 de la Constitution qui stipule que tout Congolais a le droit et le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation de la loi fondamentale. L’Opposition a demandé au Président de la République « d’abandonner son projet tendant à imposer des règles taillées sur mesure pour se maintenir au pouvoir et contourner la volonté de changement qui anime les RD-Congolais à ce jour ». Le plus gros signal est venu d’un Tshisekedi très fédérateur, qui promet une victoire de l’Opposition sur Kabila. « Nous sommes sûr d’une chose, l’opposition va battre Kabila même au premier tour », a-t-il prophétisé.
Dimanche de tous les enjeux et de tous les dangers, tel a été la journée d’hier qui avait sur le plan politique, prévu à son programme la sortie de l’opposition politique au Grand Hôtel Kinshasa pour donner sa position vis-à-vis du projet de révision constitutionnelle qui se préparait fiévreusement dans le camp de la Majorité présidentielle.
L’événement en valait la chandelle au point que le Grand Hôtel a été envahi dès les heures de l’avant-midi par des centaines des militants des partis politiques de l’opposition venus soutenir leurs leaders. Des calicots de toutes les couleurs et porteuses de messages différents étaient visibles aux alentours de l’hôtel et des slogans des partis étaient scandés à tue-tête. « Non à la confiscation de la CENI. Non au retour à la dictature. Non au scrutin majoritaire… », Pouvait-on lire, UDPS, MLC, Parti Travailliste, MPCR, Ecidé… étaient présents. Evénement, l’arrivée d’Etienne Tshisekedi était attendue avec impatience. Quand vint l’heure d’accéder au Salon Congo où était prévue la cérémonie, la surprise est totale, la salle est hermétiquement fermée. L’administration de l’hôtel avance des raisons qui sont loin de tenir debout : l’accès dans la salle ne peut être possible « parce que la sono n’est pas un point », se défendent les employés du GHK. Par la suite, la version changera faisant état de la panne survenue au niveau d’un fusible.
L’opposition a été ainsi contrainte de faire la lecture de sa déclaration sur le perron de l’hôtel presque dans la précipitation, sans la présence de Tshisekedi qui était pourtant attendu au point de faire dire à certains observateurs présents, que le pouvoir a peur de l’opposition. « Mais pourquoi la majorité aurait-il peur ? », s’est interrogé un membre influent de l’UDPS convaincu que leurs adversaires tremblent depuis que Tshisekedi est rentré à Kinshasa.
Autrement, il ne s’expliquerait pas comment après avoir encaissé 4.950$ USD pour la location de la salle, le GHK se soit rebiffé à la dernière minute. « Une main noire a agi dans l’ombre et l’hôtel est instrumentalisé par le pouvoir », a confié un leader politique ahuri. « C’est un spectacle étonnant de l’anarchie. Nous nous sommes battus pour la démocratie des années durant et aujourd’hui, nous observons le contraire et un signe que le pouvoir est aux abois parce que l’opposition s’est montrée unie », a confié un autre opérateur politique. La peur, la méfiance est réciproque entre les deux camps.
Dans la foule, la tension monte quand Muamba s’apprête à faire la lecture de la déclaration en l’absence de Tshisekedi.
Bousculade à l’arrivée de Tshisekedi
Viendra, viendra pas ? Même quand l’assurance est donnée par un des délégués de l’UDPS en contact permanent avec son leader, la foule n’y croit toujours pas. Mais Muamba a dû faire la lecture seulement après consentement personnel de Tshisekedi qui donne l’impression de s’être mué. Ce n’est plus l’heure des egos. On a besoin de tous pour pouvoir peser lourd. Muamba a donné lecture. Dans son propos, un passage retient l’attention de tous : « …L’Opposition politique estime que l’initiative du Président Joseph Kabila de réviser la Constitution et par conséquent la loi électorale à quelques mois des échéances électorales est inopportune. En outre, cette démarche renferme les germes de la rupture du pacte républicain fondé sur le consensus dont la Constitution adoptée par référendum et promulguée le 18 février 2006 est précisément le reflet » - Lire intégralité en page… Muamba a fini de lire le brulot mais perron du GHK ne désemplit pas. Quelque chose se prépare. Tant que les leaders des partis ne bougeaient pas encore de là, les militants étaient tenus de garder le pied à l’étrier. Leur patience finira par payer. Etienne Tshisekedi esy en effet arrivé presque à la sauvette. Entrant dans l’hôtel par la porte où on s’y attendait le moins pour éviter la foule. Malgré cela, il y a eu une bousculade autour de lui des que l’on a appris sa présence. Tout le monde voulait le voir de près. C’est dans cette ambiance presqu’électrisée entre la foule et la ceinture de sécurité du lider maximo de l’UDPS que ce dernier a finalement accédé à l’intérieur de l’hôtel avant de faire un bref mot par lequel il a soutenu que la Constitution doit être respectée par tous et principalement par Joseph Kabila qui en est garant. Mais Tshisekedi a prophétisé comme dans ses habitudes, signe que l’Opposition est parée à tout. Elle pourrait même surprendre en acceptant le principe de révision mais non sans s’être choisi son candidat unique. « Nous sommes sûr d’une chose, l’opposition va battre Kabila même au premier tour », a-t-il soutenu sous un salve d’applaudissements. C’est sur cette note qu’il va regagner, non sans difficulté, son véhicule. Tout de suite après la furie de la foule a été telle que la poussée derrière lui a fait voler en éclats les vitres des battants de l’entrée de l’hôtel situé du côté du Casino où tout s’était déroulé.
Laurent BUADI