MOTION D'INFORMATION DE L'HONORABLE JEAN CLAUDE VUEMBA LUZAMBA

Honorable Jean Claude VUEMBA

Photo Gabin MUKE S "RT KAVKA"

MOTION D'INFORMATION

Présentée par l'Honorable Jean Claude VUEMBA

à la séance plénière du Mardi 05 Juin 2009

de l'Assemblée Nationale  

Honorable Président,

Honorables Députés et Estimés collègues,

Dans le cadre de la restructuration et de la redynamisation des régies financières de l'Etat chargées de la mobilisation des recettes, le Gouvernement à l'initiative et à travers les Ministres des Finances, du Budget et du Portefeuille, a signé un contrat d'assistance technique entre la République Démocratique du Congo et la firme américaine CTC (Customs and Tax Consultang). En principe, ce contrat vise la maximisation des recettes de l'OFIDA par des mécanismes inédits.

Il vous souviendra, Honorable Président, Honorables Députés et chers collègues, qu'en son temps, notre collègue l'Honorable MPOTOYI avait déjà stigmatisé, du haut de cette tribune, la controverse que suscitait la signature du contrat avec la CTC.

Ce qui pose problème dans cette affaire, ce n'est pas la restructuration et la redynamisation de l'OFIDA encore moins la volonté non encore démontrée de moderniser cette régie financière et d'augmenter la rentabilité de celle-ci.

Ce qui pose problème, Honorable Président et Honorables collègues, ce sont :

  1. Les conditions dans lesquelles ce marché a été conclu
  2. Les contraintes auxquelles la République Démocratique du Congo, à travers l'OFIDA, se soumet pour permettre à la CTC de réaliser son programme.

Cette affaire ne peut pas nous laisser indifférents, dans la mesure où tout le monde est sans ignorer que l'OFIDA, à lui seul, contribue à hauteur de ± 500.000.000 USD au budget de l'Etat soit un sixième du budget national.

C'est compte tenu de l'importance de l'OFIDA dans la mobilisation des recettes internes, que la République Démocratique du Congo a sollicité et obtenu de la SADC un moratoire pour la mise en œuvre de la Zone de libre échange, au sein de cette organisation de l'Afrique australe.

  

Le motif invoqué par la République Démocratique du Congo est celui de consolider d'abord l'économie nationale dont la principale ressource est d'origine douanière.

S'agissant de la manière dont ce marché a été conclu, il y a lieu de relever le fait qu'en l'espèce, les règles en matière de passation des marchés publics n'ont pas été respecté : aucune insertion d'appel d'offre dans la presse nationale ou internationale, encore moins dans les correspondances entre la République Démocratique du Congo et les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, le FMI, aucune correspondance allant dans le sens de soutenir l'expertise avérée de CTC en matière de douane.

Ce marché ayant été conclu sans appel d'offres, sans publicité autour des négociations, il n'y a que les trois Ministres, qui en sont initiateurs, qui sont habilités à expliquer à l'opinion les tenants et les aboutissements du choix délibéré de CTC.

Quant aux contraintes auxquelles la République Démocratique du Congo est soumise, il appert de stigmatiser le décaissement à la signature du contrat, par le Trésor public d'une bagatelle somme de 7.500.000 USD comme frais de recrutement et d'installation des 63 experts étrangers de CTC, sachant en plus que des membres de famille de certains Ministres font partie du personnel de CTC. Il y a lieu de relever à ce niveau une prise illégale d'intérêt.

En faisant la comparaison avec le fameux contrat chinois, qui en lui-même pose déjà problème, les chinois promettent à la République Démocratique du Congo des infrastructures contre les minerais et acceptent de verser un pas-de-porte de 250.000.000 USD par an. Mais dans le cas du contrat CTC – OFIDA, c'est plutôt la République Démocratique du Congo qui a versé, vraisemblablement, à titre de pas-de-porte 7.500.000 USD et a exempté les experts étrangers de CTC de tous les impôts. C'est tout simplement ahurissant et révoltant. A y regarder de près, on serait tenter de croire à un marché de dupes, un contrat léonin, mais il s'agit en réalité d'une opération qui constitue un délit d'initié dans le chef des trois Ministres initiateurs du contrat CTC – OFIDA.

Normalement, c'est CTC qui devait verser le pas-de-porte à la République Démocratique du Congo. CTC devait alors attendre, que soient démontrées ses capacités managériales à travers un accroissement substantiel des recettes de l'OFIDA au-delà des récentes performances de ce dernier, pour prétendre à une prime. Et c'est au bout de cinq ans, que les experts, faisant mieux que l'OFIDA, devaient jouir d'une rémunération. Procéder autrement, comme ce que nous déplorons, c'est mettre en place une opération de délit d'initiés des Ministres qui se sont empressés de conclure, en catimini, un contrat dit d'assistance technique.

De là à croire que l'objectif inavoué de ces trois Ministres promoteurs du contrat CTC, est d'écumer le trésor public, il n'y a qu'un pas, un pas que les conditions de conclusion du marché, et le pas-de-porte versé par la République Démocratique du Congo nous poussent à franchir.  

Honorable Président,

Honorables Députés et chers collègues,

Il est vrai que notre administration douanière a besoin d'une réforme, mais nous sommes persuadés qu'une assistance bilatérale, avec la France ou la Belgique ou l'Afrique du Sud par exemple, assistance bilatérale entre administrations douanières nationales aurait produit, dans la transparence, de meilleurs résultats loin de suspicions. Car, tenez-vous bien, chers collègues, après plus d'une année d'existence, il y a lieu de se demander de quelle expertise CTC peut se prévaloir. En son temps, le Zaïre avait eu recours à la coopération française pour booster son secteur douanier. Les experts étaient mandatés par Paris et les résultats furent probants.

Pour le cas CTC sous examen, il y a lieu de dénoncer le 20% des recettes que l'OFIDA doit rétrocéder à CTC, les écarts de salaires qui existent aujourd'hui entre Directeur de l'OFIDA et experts CTC (500$ et 10.000$), écarts qui ne respectent pas la tension salariale légale et qui créent la démotivation au niveau des cadres et agents de l'OFIDA.

La déclaration récente faite, sur une chaîne de télévision, par la femme d'un Ministre, qui a traité les agents et cadres de l'OFIDA d'incompétents, est la goutte qui vient de faire déborder le vase.

Nonobstant la concertation entre le Ministre du Portefeuille et les agents de l'OFIDA, ces derniers sont décidés à débrayer incessamment. Au moment où nous prenons la parole, les agents de l'OFIDA, occupent les bureaux de CTC et paralysent les activités de l'administration douanière au moment où l'Etat Congolais a plus que besoin d'argent pour son fonctionnement.

Honorables Députés et chers collègues,

De tout ce qui précède, vous conviendrez avec moi, que certains membres du gouvernement et non des moindres se sont investi dans la prédation en écumant le Trésor public. Cet acte que nous avons qualifié de délit d'initié ne peut pas demeurer impuni. Il est plus que temps que certains gestionnaires s'expliquent devant les cours et tribunaux.  

Aussi, conformément à l'article 178 de notre règlement intérieur, nous allons déposer au Bureau la proposition de création d'une commission d'enquête parlementaire devant faire la lumière sur les tenants et les aboutissants du contrat République Démocratique du Congo (OFIDA) – CTC.

Au cas où la responsabilité des trois Ministres initiateurs du contrat est établie, nous n'hésiterons pas, conformément à l'article 199 de notre règlement intérieur, de demander la mise en accusation des Ministres incriminés dans cette affaire sulfureuse.

 

Jean Claude VUEMBA LUZAMBA

Député National



09/06/2009
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