Jean Claude Vuemba : « Les idéologies qui séparent les Etats africains ne sont que des déchets de l’homme blanc »

EPANZA MAKITA N°125 DU 30 JUILLET 2010

INTERVIEW

Jean Claude Vuemba : « Les idéologies qui séparent les Etats africains ne sont que des déchets de l’homme blanc »

Le journal Epanza Makita a reçu au siège de sa rédaction, l’honorable Jean Claude Vuemba, président du Mouvement du Peuple Congolais pour la République (MPCR) et membre de l’opposition en République Démocratique du Congo. L’honorable Jean Claude Vuemba, ancien et dernier récipiendaire du feu Maréchal Mobutu, a livré ses impressions dont voici la substance.

Quelle est votre vision sur la politique de l’Afrique actuelle ?

Concernant la politique de l’Afrique actuelle, je pourrais dire que les idéologies qui séparent les Etats africains, ne sont que des déchets de l’homme blanc. L’envahissement non réglementé de l’homme blanc en territoires africains laisse à désirer. Car, pas de visa, donc pas d’autorisation d’entrée dans ces derniers.

Que pensez-vous du règne du président Joseph Kabila ?

C’est presque sa cupidité à laquelle on assiste. Une cupidité qui n’est que le reflet des dernières quinze années du régime du Maréchal Mobutu. Quand bien même pour la simple raison que le président Joseph Kabila n’est pas en mesure de mettre ruelle. Ainsi, la chine est devenue le plus grand capitaliste dans le monde des affaires. Et quant à la Russie, n’en parlons pas.

Que dites-vous de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC?

Nous étions en deuil avant la célébration de cet événement historique, à cause de l’assassinat de Floribert Chebeya, président de l’ONG dénommée « La Voix des Sans Voix ». a cet effet, nous avons refusé de festoyer, parce qu’il est inconcevable qu’un peuple en deuil soit dans le savourement du caviar au champagne, alors que la douleur reste encore dans le cœur des citoyens. Comment voulez-vous être heureux, quand bien même que votre entourage est dans le malheur ? Concernant ce cinquantenaire, je suis surpris de ma décoration de M. Justin Marie Bomboko en qualité des participants à la table ronde politique qui avait eu lieu en 1960, alors qu’à cette époque, ce dernier était encore étudiant. C’est plutôt Mulopwe Kalonji qui le méritait. Mais malheureusement il a été omis.

En outre, en RDC, et précisément à Kinshasa, des parents meurent de faim, à tel point qu’il est impossible, surtout au citoyen moyen, d’avoir le minimum de trois repas par jour. D’autres parents attendent devant les résidences de certains gouvernants pour prétendre obtenir, jusqu’à très tard, le droit à l’unique repas du jour. De nos jours à Kinshasa, quand il est 12 ou 16 heures, il n’ya rien à manger. Car, ceci est la conséquence logique de l’égoïsme occidental qui a remplacé la solidarité africaine d’autrefois.

Honorable député, vos impressions sur le point d’achèvement en RDC?

Certes, on parle aujourd’hui, en RDC, du point d’achèvement. Mais nous devons savoir combien l’Etat congolais a-t-il remboursé, et combien en reste-t-il ? Si ces paramètres ne sont pas connus du peuple congolais, on risquerait, un jour, d’être confondu. Nous savions, par le passé, que la dette de la RDC se chiffrait à trois cent milliards de dollars et ce, depuis la construction du barrage de Inga, du domaine de la Nsele, etc.

Il y a lieu de dire que le Président de la République n’est pas suffisamment responsable de la gestion de l’Etat. Il n’est pas rare de constater, surtout dans la ville de Kinshasa, que même une femme qui accouche à la maternité a le nom des « 5 Chantiers » à la bouche. D’autre part, il convient de réhabiliter les noms historiques des places publiques et monuments laissés par le Maréchal Mobutu. Voyons, par exemple, le cas de la France où, malgré la succession des gouvernements, les places publiques et les monuments n’ont jamais changé d’appellation à l’instar de Maréchal Pétain.

Quelle différence faites-vous entre la table ronde de l’indépendance et la table ronde économique ?

La différence entre les deux tables rondes, nous pouvons dire qu’il y a eu amalgame. C’est pour cela qu’aujourd’hui, dans cet amalgame de tables rondes, les belges, profitant d cette dichotomie, sont à même de narguer la RDC. Alors, la RDC arrivera, d’ici à quinze mois, aux élections générales. Il est nécessaire que l’abbé Malu Malu et ses amis puissent déballer leurs planches. Car, nous ne voulons pas revivre la triste situation du passé. Alors, comme le pouvoir de Kabila n’est pas à son dernier forfait, ils (gouvernants) veulent continuer.

Que dites-vous de l’opposition en RDC?

L’opposition en RDC devra avoir un programme de société commun basé sur un même idéal politique dans l’intérêt du peuple congolais. Il y a une tendance à confondre, el programme des partis politiques avec celui du gouvernement. Par exemple en 1968, l’opposition française de la gauche présenté un programme commun concocté trois ans avant le règne de Mitterrand. C’est grâce à ce programme commun de la gauche que le parti socialiste de François Mitterrand et le parti communiste de Georges Marchais avait accédé au pouvoir. Tout cela veut dire qu’il ne faut pas empêcher la réflexion collective. Un autre exemple est celui de la rencontre de Ngiri-Ngiri au cours de laquelle il y a un consensus.

Honorable Jean Claude Vuemba, pourquoi, en RDC, avez-vous l’habitude de sacrifier vos compatriotes ?

Nous avons dans ce monde-là des valeurs africaines qui s’étiolent. L’égoïsme et la course au pouvoir peuvent justifier ce genre de phénomène. Par exemple et pour preuve, la Cour Pénale Internationale (CPI) est connue être xénophobe. Dans cette institution juridique internationale, il s’avère que, chaque matin, son président se demande : quel est bougnoule que je vais bouffer ? C’est pour cela que Jean Pierre Bemba a été tiré au guet-apens au Portugal pour être conduit en Belgique où il sera arrêté au motif d’avoir fait tête aux occidents. Ceci est en réalité une arrestation politique. Ainsi, nous disons que l’an 2011 sera une année charnière pour que les congolais puissent récupérer leur dignité.

Dans le gouvernement de la RDC, il y a le fils biologique du feu Maréchal président Mobutu, l’un des Vices Premiers Ministres. Il y a donc quatre ans qu’il travaille avec Kabila. Quel est le point de vue de ce dernier face aux nombreuses critiques adressées à l’encontre de son défunt père par le gouvernement en place ?

Une chose importante est de se demander à quand le transfert des ossements du Maréchal Mobutu en RDC? Enfin, disons par rapport à cette question posée que « oboti mwana, mais oboti motema na ye te ». Entendu par-là, « le cœur du père n’est pas celui du fils ».

En politique, si un dirigeant est resté très longtemps au pouvoir ne devra-t-il pas créer sa propre famille politique ?

Un parti, qui est resté très longtemps au pouvoir et qui continue de véhiculer ses idées, est un grand parti. Il m’est arrivé de constater que beaucoup d’associations politiques se créent massivement dans nombreuses régions de la RDC au nom de mon parti, le MPCR, dont je suis président fondateur, sans que je n’en sois ni informé, ni y associé. Alors, cela m’interpelle positivement.

Quelle ambition pour sauver la RDC?

Je ne serai pas candidat à la présidentielle de 2011.

Quel bilan faites-vous des « 5 chantiers » du Président Kabila ?

Comment voulez-vous fêter le cinquantenaire de la RDC, alors qu’il n’y a aucun écrit qui explique l’histoire du pays. Le Président Laurent Désiré Kabila nous avons fait entrer plus de dix armées étrangères au Congo. Alors, on vous ferme les morgues, les marchés … pour éviter à l’opinion étrangère de constater les files des milliers de gens à pied en train de paver à la recherche de quoi mettre sous la dent. C’est pour ainsi dire que la célébration du cinquantenaire était une manifestation honteuse. Le président Joseph Kabila avait commencé par le quinquennat social, ce qui ferait réellement sa force. Alors, il n’y a pas eu d’études de faisabilité de ses « 5 chantiers ».

On parle de la retouche de la constitution. Quelle est votre réaction à ce sujet ?

Et pourtant, le 6 décembre 2008, le président Joseph Kabila avait déclaré, devant le parlement réuni qu’il ne changerait d’un iota la constitution. Alors, pourquoi le peuple veut faire de Kabila un dictateur ? Imaginez vous-même !

L’honorable, vous êtes cité comme l’un des opposants du pont route-rail de Kinshasa – Brazzaville. Qu’en dites-vous ?

Au départ, la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, avait fait la proposition au gouvernement congolais à l’époque du monopartisme, ce dernier ayant remarqué que cela jouait en défaveur de son port de pointe-noire qui n’était pas encore en eau profonde par rapport aux ports de Banana et Matadi de la RDC, s’était désiré. Quelque temps après, la République du Congo Brazzaville ayant fait du port de Pointe noire, un port en eau profonde plus que ceux de Banana et Matadi va donc relancer ledit projet auquel moi Vuemba, je m’étais opposé parce que vu la capacité actuelle du port de Pointe noire, les ports de Matadi et de Banana risqueraient de perdre leur importance. Car tout transiterait par Pointe noire afin de traverser par ce « fameux » pont route-rail, à destination de Kinshasa. Et cela apporterait un impact négatif sur l’économie de la RDC. Il ne faut pas oublier que la province du Bas-Congo apporte 35% des recettes dans le budget national, grâce en partie à ces ports. Donc je l’ai fait pour l’intérêt national, comme ce fut aussi le cas des autorités du Congo-Brazzaville à l’époque où nos ports avaient plus de capacité. Une fois que les ports de Banana et de Matadi recevront des coups de pioche en eau profonde, c’est en ce net moment que je viendrai à Brazzaville pour jeter le pont « route-rail » sur le fleuve Congo, parce que la concurrence serait loyale.

Moi, Jean Claude Vuemba, je suis partisan de l’intégration sous-régionale. C’est à tort que j’avais été diabolisé à Brazzaville à ce sujet.

Propos recueillis par la rédaction d’Epanza

 



11/08/2010
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