L’opposition se recherche une voie royale



Le Soft International n°1088 du 3 Février 2011

L'opposition se recherche une voie royale


Elle a échoué à se mettre ensemble au Parlement, l'opposition pourrait se déchiqueter à la Présidentielle en novembre prochain. Déjà le Dép. (opp.) Jean-Pierre Lisanga Bonganga vient d'annoncer sa candidature à la Magistrature suprême prenant de court ses collègues opposants.

Ils sont nombreux qui aimeraient prendre le départ de la Présidentielle en novembre prochain. Si la majorité présidentielle connaît déjà son cheval, le président sortant Joseph Kabila Kabange, le vote de la révision constitutionnelle à la mi-janvier par les deux Chambres réunies en Congrès et la perspective de publication d'une loi électorale beaucoup plus restrictive pose des tracas à l'opposition qui voit des coups portés en deçà de la ceinture par la majorité.

Sur la révision constitutionnelle visée par la fameuse Communauté internationale - Europe et États-Unis - qui a trouvé que l'opération s'est déroulée selon les lois du pays, certains membres de l'opposition sont loin de déposer les armes. Ils vont mener des actions de sape dans le pays comme à l'étranger quand une pétition anti-révision récolterait des signatures.

Les opposants savent que cette pétition in fine, pour être validée, ne pourrait pas ne pas atterrir au Parlement où l'AMP détient la majorité. Mais ce qu'ils recherchent c'est moins le retrait de la révision qu'une caution populaire et la pression psychologique que cela implique: le peuple n'approuve pas l'action de la majorité!

D'autres appellent au pragmatisme et souhaitent aller de l'avant et prendre la majorité à son propre piège. S'il ne faut qu'un tour-mort subite pour être proclamé Président, autant réunir toutes les forces de l'opposition et ne présenter qu'un candidat face à celui de la majorité.

Des réunions se tiennent sans désemparer dans le pays et à l'étranger chacun essayant de mieux se positionner en tentant de mieux organiser des crocs-en-jambe.

L'année étant celle de la communication par excellence, les médias - nationaux et internationaux - sont mis à contribution, chèrement payés par des parrains - les milieux financiers internationaux - quand des projets de protocole d'accord sont testés. A ce jour cependant, l'opposition n'a su trouver la voie royale.

En fait, chacun des candidats déclarés ou en passe de le faire - les plus connus à ce jour étant le MLC Jean-Pierre Bemba Gombo, l'UNC Vital Kamerhe, l'UDPS Étienne Tshisekedi, l'Indépendant Léon Kengo wa Dondo - estime que rien n'autorise à personne de le pousser à passer la main quand il se croit en mesure de devenir le prochain Président de la République.

Sauf à croire à l'impossible - mais impossible existe-t-il en politique? - quand quelque coalition d'intérêts viendra à imposer son ordre, on ne voit pas quel événement départagerait ces fauves qui chassent chacun loin des territoires de l'autre.

Bien que détenu à La Haye, Jean-Pierre Bemba Gombo est loin d'avoir jeté l'éponge. Ses proches au MLC assurent que présent ou pas physiquement dans le pays ou dans la Capitale, le «Chairman» prendra la course. A eux de battre campagne pour le mentor.

Ils se font forts de citer la jurisprudence Gizenga, l'homme, la quatre vingtaine passée, devenu Premier ministre, qui n'avait pas quitté la Capitale mais qui était présent dans la campagne via ses lieutenants au point d'être arrivé troisième au 1er tour.

Sauf si des juristes ingénieux arrivent à trouver dans la mécanique un cheveu dans la soupe - telle l'invalidité d'un dépôt de candidature par correspondance - au MLC, les proches touchent du bois: ils veulent rêver debout. Faut-il leur en faire le reproche? Le «Chairman» prendrait le départ de la Présidentielle avant d'être condamné, assurent-ils.

De la dizaine de témoins à charge retenus par le procureur Ocampo, nombre auraient déjà fondu comme neige au soleil. Il n'en resterait plus que deux ou trois téméraires...

UN ÉLÉMENT DE STABILITÉ: LA FRACTURE EST-OUEST.

Mais si la libération de l'ancien Vice-président de la République se produisait, c'est que l'Occident qui pilote la Cour Pénale Internationale et souhaite parrainer tout processus politique dans le pays, aura pris son parti: celui du changement avant l'heure.

Nul ne comprendrait en effet - en tout cas pas l'Histoire en majuscules - que la justice internationale ait mobilisé autant de moyens pour la traque et la prise de l'ancien Vice-président de la R-dC pour enfin le déclarer libre de tout mouvement et lavé de tout soupçon.
Outre que l'ancien Vice-président en charge des Finances serait en droit de réclamer d'énormes dédommagements financiers mais le monde assisterait au discrédit total d'une justice qui laisse plus d'un pantois.

Qu'en est-il de Vital Kamerhe? Pour sûr, l'ancien président de l'Assemblée nationale croit son heure venue. Lui qui a des comptes à régler à plus d'un ne laissera passer aucune occasion. Il continue de beaucoup voyager et bichonne son image dans les médias où il compte nombre d'amis et dans les chancelleries dont il connaît des membres et non des moindres. Porté par d'amis financiers et politiques, il est loin de traîner le diable. Signe: il vient d'acquérir au prix fort une chaîne de télévision dans la capitale. Signe qu'il va se faire savoir...

Vital Kamerhe estime être le mieux à même de l'emporter face au candidat de l'AMP. L'ancien président qui a fait de la séduction sa marque de fabrique pourrait être aidé par ce talent. Mais pas certainement au point de se voir porté les couleurs de toute l'opposition rassemblée et unie.

D'avoir été mobutiste de premier ordre dans le Front des Jeunes mobutistes, kengiste (UDI), tshisekediste ardent lors de l'Union sacrée de l'opposition, kabiliste-joséphiste force 10 comme il l'avoue lui-même au point de lui avoir dédié un livre - «Pourquoi J'ai choisi Kabila» - pour se retrouver un jour tshishimbiste, un autre vuembiste, un autre kiakwamiste, puis kengiste, puis tshisekediste à nouveau, puis bembiste sinon nzangiste, etc., fait de lui le parfait candidat ramasse-tout. Son autovictimisation («J'ai rendu tel service...», «J'ai été mal rétribué...», «Il m'a été promis tel poste, je n'ai rien vu venir...», «Ils ont été trop injustes...», etc.) sur laquelle jour après jour il se bâtit suscite des compassions et ces jérémiades peuvent constituer une stratégie. Mais certainement pas pour le porter au trône.

Il manque à l'ancien président de l'Assemblée nationale au discours polyforme des lignes de force de sa stratégie politique, une idéologie authentique, une constance, un fondement de lutte politique.

Mais son tort le plus sûr et qui le conduira à la perte est que ce pays qui fait de la fracture Est-Ouest un élément de stabilité verrait d'un très mauvais œil un surgissement continu et exclusif de candidats de l'Est se disputant la magistrature suprême quand cette constellation d'hommes et de femmes de valeur aurait dû travailler à la consolidation du projet commun national. La réaction géopolitique sinon cotérique pourrait être certainement son rejet à l'Ouest.

D'un autre point de vue, c'est ce venin mortel qui en 2006 a agi contre Bemba. Le pays ne pouvait comprendre qu'à un ressortissant de l'Équateur que fut Mobutu - de la tribu Ngbandi-Ngbaka - succède un autre ressortissant de l'Equateur de la tribu Ngbandi-Ngbaka. Quand il s'agit d'une élection nationale à plus forte raison présidentielle, c'est aussi cela l'alternance, ce mot culte de l'opposition. Le Nord, le Sud, l'Est, l'Ouest, etc., sont en politique des réalités incontournables. Kamerhe est-il en mesure de comprendre ce boulet qu'il traîne?

Voyons Léon KengowaDondo. A plus de 80 ans, le président de la Chambre haute est loin d'avoir dit son dernier mot. Comme le lion qui dans la jungle guette le troupeau de gnous, observe avant de désigner son repas, s'aplatit sur l'herbe, avance, charge avant de lancer l'attaque, on dit de lui qu'il ne lance jamais rien sans être sûr de toucher sa proie.

Ces dernières semaines, son nom est revenu dans le cénacle. L'homme d'État qu'il est profondément avoue volontiers ne pas avoir d'état d'âme quand il s'agit d'agir pour l'intérêt général. On l'a vu lors du vote de la révision. Manifestement, il n'en voulait pas mais cela ne l'a pas conduit à déserter ni sa Chambre, ni celle du Congrès.

Celui qui est toujours apparu comme l'homme de la troisième voie - l'homme du compromis quand tout a échoué, l'homme providentiel, celui qui s'offre au service d'une Nation orpheline et demandeuse - attendra le tout dernier moment pour s'annoncer.

C'est-à-dire quand tous auront abattu leurs cartes et qu'aucun plan gagnant ne pourra s'imposer. S'il se présente comme toute la ville haute lui en prête l'intention - son cousin, le député Vunduawe Te Pemako et un team de professeurs travailleraient déjà aux statuts de son parti politique -, l'actuel sénateur président indépendant se sera assuré son plus sûr allié, celui qui à chacun de ses combats ne lui a jamais fait défaut: l'extérieur qu'a toujours si bien coaché son ami de tous les temps, Laurent MonsengwoPasinya, évêque et archevêque, aujourd'hui auréolé de son tout récent titre de Cardinal.

L'ennui c'est ce déclin relatif de l'étranger sur le Continent. On n'a pas vu l'Occident agir dans les deux révoltes de Tunis et du Caire. On ne l'a pas vu agir - du moins pas à ce jour - de façon déterminée à Abidjan... L'Afrique est si jalouse de son Continent! Les régimes fantoches sont trop mal vus.

Reste Étienne Tshisekedi. On voit mal le Sphinx de Limete se refuser une belle occasion de mener le combat de sa vie. Sauf impeachment, contraint et forcé par la maladie...

Mais il pourrait y avoir d'autres. L'opposition trouvera-t-elle l'occasion de se rassembler? Le Dép. (opp.) Jean Claude Vuemba Luzamba (MPCR) veut croire. Nombre de ses pairs l'écoutent... avec politesse. Là où l'opposition n'a pas pu se mettre d'accord pour parler d'une seule voix dans le cadre d'un porte-parole institutionnel, on voit mal qu'elle trouve l'occasion de se mettre ensemble pour la Présidentielle.

Au moment de clore ces lignes, le Dép. (Équateur, opp.) Jean-Pierre Lisanga Bonganga vient d'annoncer sa candidature à la Magistrature suprême créant la surprise auprès de ses collègues opposants avec qui il parlait dans le cadre d'une candidature unique de l'opposition. T. KIN-KIEY MULUMBA.

Publication : www.mpcr.cd



09/02/2011
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