Politique nationale : JC Vuemba : «La RD Congo fait face à une crise politique»
Politique nationale :
JC Vuemba : «La RD Congo fait face à une crise politique»
Jean-Claude Vuemba Luzamba. Photo d’archives CIC
Député national, président du MPCR (Mouvement du peuple congolais pour la République), candidat «malheureux» à l’élection du gouverneur de la Province du Bas-Congo en février dernier, Jean-Claude Vuemba Luzamba a séjourné la semaine dernière à Bruxelles. Parent par alliance de feu Jean Seti Yale, il a assisté aux obsèques de celui-ci. Dans un entretien à bâtons rompus, il a bien voulu commenter, pour les lecteurs de Congo Indépendant, les grands sujets d’actualité congolaise.
Depuis la tenue des élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011, le Congo-Kinshasa affiche la mine d’un pays «coupé en deux». D’un côté, une minorité de partisans ou sympathisants de «Joseph Kabila» pour laquelle «tout va bien, sauf dans les provinces du Kivu». De l’autre, une majorité silencieuse qui estime que «rien ne va» au motif qu’elle attend désespérément l’amélioration de ses conditions sociales. Ici, le Changement reste le maître-mot. La crise au Nord Kivu et surtout la prise de la ville de Goma par les rebelles du M23, le 20 décembre dernier, a engendré une crise de confiance aux tournures de crise de régime. Les citoyens ne se reconnaissent plus en leurs gouvernants.
Roublardise
Dans une allocution prononcée devant les deux chambres du Parlement, au cours de ce même mois de décembre, «Joseph Kabila» lançait l’idée de «concertations nationales». But : consolider la «cohésion nationale». En fait, cette vocation tardive n’était qu’une roublardise. La menace que brandissait le M23 étant passée, le «clan kabiliste» a retrouvé sa suffisance. Y a-t-il crise au Congo-Kinshasa ? «L’idée de la tenue des concertations nationales a été faite suite à l’attaque de la province du Nord Kivu par le M23». L’homme qui parle se nomme Jean Mbuyu Luyongola. Il s’agit de l’ancien conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité. C’était le 5 mars sur radio Okapi. Pour lui, le pays n’est pas en crise. Porte-parole du gouvernement, le ministre des Médias, Lambert Mende Omalanga, s’étrangle littéralement à l’évocation du mot «dialogue» : «Concertation oui, dialogue non», s’enrage-t-il.
Qu’en pense le député national Jean-Claude Vuemba ? «N’en déplaise à Jean Mbuyu pour qui j’éprouve beaucoup de respect, j’affirme que la RD Congo est confrontée à une crise politique, assène ce parlementaire de l’opposition pro-Tshisekedi». «Ceux qui nous gouvernent ont le dos au mur», souligne-t-il avant d’égrener à titre indicatif quelques «affaires» qui constituent, selon lui, les causes de cette crise : l’insécurité dans les deux provinces du Kivu et dans la Province Orientale ; le double massacre des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo ; les Enyele ; le cas du général Faustin Munene et les Maï Maï «Ba Kata Katanga». «L’heure est grave! Il faut éviter de pousser la population à prendre les armes pour se faire entendre».
«Une crise voulue et entretenue»
Qu’en est-il de la situation dans les provinces du Kivu ? «Il y a crise dans la province du Nord Kivu. C’est une crise voulue et entretenue», dit-il. Qui veut et entretient cette crise? Pour Vuemba, la crise est entretenue par «certains dignitaires tapis à Kinshasa» mais aussi par l’Ouganda et le Rwanda. Pour étayer son propos, il lance : «Vous avez suivi comme moi le cas d’un Général des FARDC sur qui pèse des soupçons graves de vente des armes aux forces rebelles. Etrangement, cet officier n’a écopé que d’une suspension de ses fonctions alors qu’il devait être mis aux arrêts et déférer devant une juridiction militaire». Il poursuit sur un ton réquisitorial : «Lors de la naissance du M23, Messieurs Joseph Kabila, Lambert Mende et Raymond Tshibanda n’avaient-ils pas fait chorus en clamant qu’il s’agissait d’un mouvement étranger ? Curieusement, quelque temps après, les mêmes vont se dédire en prétendant qu’ils discutent avec des Congolais à Kampala». Que faire pour mettre fin à l’insécurité dans les deux provinces du Kivu ? Le député préconise deux solutions radicales : «Notre pays doit rompre ses relations diplomatiques avec le Rwanda et l’Ouganda. Le Congo doit par la suite déployer du fil de fer barbelé tout le long de la frontière avec le Rwanda».
S’agissant des «concertations nationales», Vuemba d’estimer que l’idée lancée par «Joseph Kabila» est loin d’être inédite. Selon lui, son parti, le MPRC ne cesse de militer en faveur d’un dialogue entre « Joseph Kabila » et Etienne Tshisekedi. «Depuis plus de treize mois, martèle-t-il, nous ne cessons de demander à Joseph Kabila de rencontrer Etienne Tshisekedi». Pour lui, aussi longtemps que les deux hommes éviteront de se parler pour «régler le contentieux électoral», il est illusoire d’escompter des «concertations nationales» dignes de ce nom.
L’irruption des Maï Maï «Ba Kata Katanga» le samedi 16 mars à Lubumbashi n’a pas manqué de retenir l’attention du député. Selon lui, il y aurait des «frustrations» dans certains milieux Balubakats. Vuemba de s’interroger néanmoins sur la provenance des armes et munitions que détenaient les combattants appréhendés. On rappelle que plus de 250 miliciens Ba Kata Katanga ont été transférés à Kinshasa. Une décision que désapprouve le parlementaire. «La déportation de ces miliciens à Kinshasa est tout simplement irresponsable, estime-t-il. On croirait qu’il n’y a pas des cours et tribunaux au Katanga». Il prévient : «La population congolaise a soif de vérité sur ce qui s’est passé à Lubumbashi. Elle souhaite voir les véritables responsables payer et non des lampistes». Vuemba de s’étonner par ailleurs de l’envoi au chef-lieu du Katanga d’une «commission d’enquête» à la neutralité discutable composée uniquement des ministres et des députés nationaux natifs de cette Région. Pour lui, une telle délégation ne peut être que «juge et partie».
«Une population aux aguets»
A propos du transfert de Bosco Ntaganda à la Cour pénale internationale à La Haye, «Jean-Claude» s’est réjoui de la prise d’un si «gros poisson». L’homme reste cependant lucide. «Il faut rester vigilant pour que le sort de Ntaganda ne soit pas comme celui de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic». Celui-ci est mort en détention à La Haye dans des conditions non élucidées à ce jour. Vuemba n’a pas trouvé des mots assez durs pour qualifier le choix de langue faite par «Bosco». Celui-ci sera interrogé tout au long de son procès en kinyarwanda. «Bosco Ntaganda a voulu, par cet acte, manifester son mépris à l’égard du peuple congolais. En quelle langue commandait-il les soldats des FARDC placés jadis sous son commandement ? Il est temps de procéder au recensement de la population afin qu’on sache qui est qui !»
Interrogé enfin sur la «résignation» qui semble caractériser la population congolaise en général et kinoise en particulier, l’élu de Kasangulu tempère cette opinion. Il s’appuie sur le quotidien des Kinois. Selon lui, chaque année, plus ou moins 500 personnes périssent de diverses maladies rien que dans la capitale congolaise. «Ceux qui auraient des doutes, conseille-t-il, n’ont qu’à se poster aux croisements des avenues des Huileries et Tombalbaye - à la sortie de l’hôpital Mama Yemo - pour constater combien les pompes funèbres sont devenues un commerce très lucratif au Congo. Tous les cimetières de la capitale sont pleins sauf celui de Nsele». Vuemba de conclure : «La prétendue résignation de la population congolaise n’est qu’apparente. En réalité, cette population est aux aguets. Elle attend un moment propice pour crier sa colère. Un jour la révolution explosera sans qu’on s’y attende…».
Beaudouin Amba Wetshi
Congoindependant 2003-2013