QUESTIONS DIRECTES A JEAN-CLAUDE VUEMBA

Jean-Claude Vuemba Luzamba, député national. Photo CIC

QUESTIONS DIRECTES A JEAN-CLAUDE VUEMBA


Président du MPCR (Mouvement du peuple congolais pour la République), Jean-Claude Vuemba Luzamba vient d’être réélu député national dans sa circonscription de Kasangulu, province du Bas-Congo. Ancien représentant du MPR- fait privé en France et en Europe, Vuemba est un allié à Etienne Tshisekedi wa Mulumba sans toutefois, précise-t-il, faire partie des cartels des partis («SET» et «DTP») ayant soutenu la candidature du leader de l’UDPS à l’élection présidentielle. De passage à Bruxelles dans le cadre d’une tournée en Occident, il a accordé un entretien à Congo Indépendant.

"La volonté populaire exprimée le 28 novembre lors de l’élection présidentielle doit être respectée"

Que faites-vous en Belgique?

Cela fait maintenant trois semaines qu’un groupe de parlementaires et des leaders des partis politiques de l’opposition a quitté le Congo pour visiter quelques capitales du monde. Outre moi-même, il y a notamment Ingele Ifoto, Jean-Pierre Lisanga Bonganga, Roger Lumbala, Martin Fayulu. Le but est de nous entretenir avec les «partenaires occidentaux». Il s’agit de leur dire que la volonté exprimée le 28 novembre par les citoyens congolais doit être respectée.

Quel objectif comptez-vous atteindre par cette démarche?

En Belgique, aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni, notre message a été simple. Primo : la situation présente au Congo n’est pas acceptable. Secundo : nous exigeons le recomptage des voix de l’élection présidentielle au regard des procès-verbaux (P.V) établis par les bureaux de vote.

Quelles sont les personnalités que vous avez pu rencontrer ?

Nous avons rencontré «plusieurs personnes». Vous comprendrez que je me garde de citer des noms étant donné que notre mission relève de la «diplomatie secrète».

Lors de son récent passage à Paris et à Bruxelles, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a été catégorique en balayant d’un revers de la main toute idée de recomptage des voix. Qu’en dites-vous ?

C’est assez surprenant de voir quelqu’un qui se dit «vainqueur» d’un vote redouter un recomptage des voix …Nonobstant ce recomptage, les forces de l’opposition exigent de voir tous les «P.V physiques». Nous espérions voir la Cour suprême de justice les exhiber. Voilà pourquoi nous nous posons des questions. Nous sommes heureux de constater que les «Anglo-Saxons» sont favorables au recomptage des voix.

Et si «Joseph Kabila» s’entêtait, pensez-vous que les «Anglo-Saxons» enverront des troupes pour l’amener à satisfaire votre exigence ?

Il ne faudrait pas voir toujours les troupes. Il faut voir la réalité qui se passe actuellement au Congo. Il faut voir la «véracité».

Le Premier ministre belge a écrit à «Kabila» pour le féliciter pour sa reconduction au poste de président de la République. Votre réaction?

La pratique et la méthode usitées par le chef du gouvernement belge sont détestables. Il reste que la Belgique est un Etat souverain qui a le droit de reconnaître le gouvernement de son choix. Les «services» belges savent pertinemment bien qu’il y a eu une «grosse fraude à la tronçonneuse» au Congo. Il n’y a rien de bien surprenant dans l’attitude du Premier ministre Elio Di Rupo qui a des «accointances» avec M. André Flahaut, l’actuel président de la Chambre des députés de Belgique. On peut, dès lors, comprendre l’attitude des Congolais de la diaspora qui ont amorcé un rapprochement avec des partis extrémistes du Royaume.

Les deux personnalités sont dans le même parti…

Certes. Nous sommes au courant du rôle joué par M. Flahaut dans le processus d’envoi de ce message.

Vous parlez d’«accointances». N’est-ce pas un peu péjoratif?

Nullement ! Tout simplement parce que tout ce qui se fait au Congo ne constitue pas un secret pour les Congolais. Nous connaissons les «intérêts» de M. Flahaut…

Ne trouvez-vous pas normal que le Premier ministre Di Rupo défende les intérêts de son pays au Congo ?

Quels sont ces intérêts belges au Congo? Parlons-en ! Que représentent aujourd’hui les intérêts belges au Congo comparativement à ceux des Sud Africains, Angolais, Zimbabwéens, Ougandais, Rwandais, Chinois et autres ? Soyons réalistes ! C’est bien cela que nous ne voulons pas. Nous voulons un vrai partenariat «gagnant-gagnant».

Le 26 novembre, des éléments de la garde présidentielle ont, en toute impunité, abattu 14 militants de l’opposition et blesser une centaine d’autres. Le même jour, Etienne Tshisekedi est resté «bloquer» à l’aéroport de Ndjili par la police pendant huit heures. Ne trouvez-vous pas que ces faits mettent à nu une certaine «faiblesse» ou fragilité de l’opposition ?

Absolument pas ! L’opposition incarnée par Etienne Tshisekedi est une opposition démocratique et républicaine. Votre question m’inspire quelques interrogations : où étaient les observateurs internationaux lors de ces faits? Où était la Monusco ? Ce gâchis aurait pu être évité si l’opposition avait su qu’elle n’était qu’un faire-valoir dans un scrutin dont les résultats étaient connus d’avance...

En posant la question «où était la Monusco», êtes-vous entrain de dire que la Mission onusienne doit protéger les Congolais face à leurs propres gouvernants ?

Le problème de la Monusco va plus loin. Qui dispatchait les bulletins de vote aux quatre coins du pays ?

Vous ne répondez pas à la question…

Je vais y arriver. C’est la Monusco qui a assuré la logistique de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). En ce qui concerne la sécurité, la même Monusco s’était engagé d’assurer la sécurité des leaders politiques avant, pendant et après les élections. Il va sans dire qu’il n’a jamais été question de placer deux ou cinq chars de combat derrière chaque prétendant à la Présidence de la République ou à la députation nationale. Le président Etienne Tshisekedi a été bloqué à l’aéroport de Ndjili pendant des heures interminables sans que la Monusco lève le petit doigt. La preuve est ainsi faite que la Mission onusienne est partie prenante dans le désordre qui règne au Congo.

Depuis plusieurs semaines, Etienne Tshisekedi est quasiment en «résidence surveillée». L’opposition paraît désemparée. Que répondez-vous à ceux qui disent que les rapports de force ne plaident nullement en défaveur des opposants?

Le président Etienne Tshisekedi n’est pas en résidence surveillée. Il y a quelques semaines, il était pratiquement interdit de sortie. Au moment où je vous parle, le président Tshisekedi n’a peur de rien.

Est-il libre d’aller et de venir ?

Je peux vous dire que personne ne pourrait l’empêcher de sortir de chez lui.

Les chars de la garde présidentielle continuent pourtant à boucler le quartier de Limete où se trouve sa résidence…

Il y a des chars simplement parce que le Congo est dirigé par un pouvoir illégitime. Dès lors que ces engins ne seront plus dans la rue, soyez sûrs que la population fera savoir au pouvoir actuel qu’il n’a pas gagné les élections. Avez-vous déjà vu le vainqueur d’une compétition déployer des blindés aux quatre coins d’un pays pour intimider la population ?

Les résultats des élections législatives sont attendus officiellement le vendredi 13 janvier. Que va-t-il se passer dans le cas où le pouvoir sortant s’arrogeait la majorité des sièges ?

Il me semble que c’est prématuré d’émettre une opinion avant de connaître tous les résultats.

Des observateurs sont surpris par les performances réalisées par le parti «PPPD», une formation politique inconnue jusqu’ici, qui a raflé une vingtaine de sièges à l’Assemblée nationale…

Ce sont des «partis kabilistes». Il y a au moins trente-six formations politiques de ce genre auxquelles le ministre de l’Intérieur Adolphe Lumanu a accordé l’agrément.

Des «partis alimentaires»…

Je dirais plutôt que ce sont des partis satellites montés de toutes pièces par le pouvoir. D’ailleurs, lors des élections, j’avais prévenu la population de se méfier de toutes ces formations politiques qui dissimulent les identités et les effigies de leurs dirigeants. Ce sont des «partis attrape-nigaud». Le «PPPD» est dans ce cas.

Les forces de l’opposition sont-elles disposées à former le gouvernement dans le cas où elles remporteraient la majorité des sièges aux législatives ?

Le problème n’est pas de gouverner. Peut-on franchement gouverner tout en sachant que le pays est dirigé par un chef d’Etat qui n’a pas reçu l’onction populaire ?

Quid de l’idée de la mise sur pied d’un «gouvernement d’union nationale» en vue de sortir de la crise ?

Je suis contre cette idée. Ce genre de gouvernement n’est constitué que pour mieux organiser le pillage du pays. Combien de gouvernement d’union nationale n’a-t-on pas connu depuis 1990 ? Quel en a été le résultat? L’opposition pose une seule exigence : on doit reconnaître que le 28 novembre 2011, il y a un président de la République qui a été élu. Il s’appelle Etienne Tshisekedi wa Mulumba.

Qui doit le reconnaître ?

La population congolaise le sait ! C’est pour cette raison que nous exigeons le recomptage des voix.

Que répondez-vous à ceux qui disent que les Congolais ont la fâcheuse habitude d’attendre que le monde extérieur vienne résoudre leurs problèmes en lieu et place des Congolais eux-mêmes?

A l’heure actuelle, quel est l’apport du monde extérieur au Congo ?

Et pourtant, vous êtes à l’extérieur pour rencontrer des acteurs de la communauté internationale…

Nous sommes ici dans le cadre d’une «mission d’information». Nous ne demandons rien d’autre que le recomptage des voix. Le peuple congolais doit s’assumer en n’acceptant pas le pouvoir de fait de M. Kabila.

Face à une «communauté internationale» qui reconnaît les «tripatouillages» sans dire qui est le «gagnant», que compte faire l’opposition dans le cas où «Joseph Kabila» persistait dans la posture de «j’y suis, j’y reste» ?

Le dernier mot reviendra au peuple congolais...

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

© Congoindépendant 2003-2012

 

http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=7062  



21/01/2012
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