RENCONTRE DES LEADERS POLITIQUES CONGOLAIS A PRETORIA EN AFRIQUE DU SUD : PLUS DE PEUR QUE DE MAL
Ce vendredi 18 Mars 2011, en la salle de réunion du Centre Béthanie dans la Commune de la Gombe, les leaders politiques de l'Opposition Congolaise ayant pris part à la rencontre de Pretoria en Afrique du Sud ont organisé une séance de restitution des pourparlers qu'ils ont eus avec les représentants de la Majorité au Pouvoir et quelques responsables de la Société Civile congolaise.
En effet, l'UDPS Jacquemin SHABANI, le MPCR Jean Claude VUEMBA, l'UNC Jean Bertrand EWANGA, le RCD Moïse NYARUGABO et le MLP Franck DIONGO, ont livré à la presse tant nationale qu'internationale les conclusions du « Forum de Réflexion sur le Processus Electoral de 2011 en République Démocratique du Congo » auquel ils ont pris part pour compte de l'Opposition Politique.
Il se dégage de leur communication que la rencontre de Pretoria a été organisée à l'invitation de l'Institute for Global Dialogue, IGD en sigle, sur financement de Open Society of Southern Africa, OSISA en sigle, avec l'accord du Gouvernement Sud Africain.
L'objectif de la rencontre était de permettre aux acteurs congolais des Partis Politiques aussi bien de la Majorité que de l'Opposition ainsi qu'aux responsables de la Société Civile de réfléchir ensemble sur la tenue des élections libres, inclusives, transparentes et apaisées en 2011 afin d'éviter toute nouvelle crise politique préjudiciable au pays et à son peuple après les élections.
Le rapport final dudit Forum fait état de plusieurs points de convergence entre les parties à la réflexion parmi lesquelles nous pouvons relever :
- L'acceptation par tous des élections libres, inclusives, transparentes et apaisées comme l'unique voie d'accession au pouvoir ;
- L'impératif de la tenue des élections générales dans les délais constitutionnels ;
- La nécessité de la neutralité et de l'impartialité effectives de la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, de l'Administration publique, de l'Armée, de la Police, des Services de sécurité et des Médias publics ;
- La nécessité d'une Justice véritablement indépendante et impartiale, bénéficiant d'un renforcement des capacités des Magistrats en matière de contentieux électoral pour garantir les élections libres, inclusives, transparentes et apaisées ;
- L'obligation pou la CENI de publier urgemment le calendrier électoral et d'accélérer la révision du fichier électoral, lequel devra être audité pour besoin de transparence ;
- L'obligation d'organiser l'élection présidentielle et celle des Députés Nationaux le même jour et de reconduire le système électoral de la représentation proportionnelle.
Parmi les points de divergence, les participants au Forum de réflexion de Pretoria ne sont pas parvenus à un accord sur les points suivants :
- L'éventualité du dépassement du délai constitutionnel ainsi que le comportement ou les mesures à adopter en cas d'une telle éventualité ;
- La certification des résultats des élections par la MONUSCO.
Au vu des conclusions que cette rencontre de Pretoria a accouché, nous ne pouvons que nous féliciter des nombreux points d'accord auxquels sont parvenus les politiciens tant de la Majorité que de l'Opposition ainsi que les responsables de la Société Civile congolaise présents à ce Forum. Point n'est besoin de commenter sur les points de convergence étant donné que ceux-ci sont acquis, cependant, il serait bon de nous appesantir quelque peu sur les points de divergence de manière à comprendre les points de vues des uns et des autres afin de dégager ce qui pourrait être à l'avantage du peuple congolais.
En effet, au vu de la délicatesse et de l'importance des points de divergence apparus, il y a lieu de se poser certaines questions auxquelles les acteurs politiques congolais se doivent de répondre afin de ne pas mettre la population devant un fait accompli et éviter l'effet de surprise avec toutes les conséquences que cela peut entrainer.
Et parmi ces questions, la plus importante est celle de savoir : « qu'adviendra-t-il au cas où, malgré le souhait émis par tous, que les élections ne soient pas organisées dans le délai constitutionnel et quelles sont les mesures à adopter en cas d'une telle éventualité ? ».
Pour l'Opposition Politique, le dépassement ne fut ce que d'une minute du délai constitutionnel dans l'organisation des élections entrainera une crise de légitimité car toutes les Institutions de la République devraient alors tomber. Et le Pouvoir en place devra dans ces conditions reconnaitre officiellement son incapacité d'amener le peuple congolais aux urnes, et ce, après 4 (quatre) années d'exercice du Pouvoir. Il faudra déterminer les responsabilités tant institutionnelles qu'individuelles qui auront conduis à cet échec. Il s'en suivra enfin une large concertation des forces vives de la Nation afin de statuer quant à ce.
La Majorité au Pouvoir quant à elle estime que dans cette fiction politique, les dispositions des articles 70, 103 et 105 in fine de la Constitution devraient être d'application dans la mesure où elles disposent que le Président de la République reste en fonction jusqu'à l'installation effective du nouveau Président élu et que les mandats des Députés Nationaux et des Sénateurs expirent respectivement à l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale et du nouveau Sénat.
La légèreté avec laquelle la Majorité au Pouvoir se propose de régler cette éventualité qui porte en elle les germes de conflit et d'insécurité étonne plus d'un observateur. Et cela nous pousse à croire qu'il s'agit là d'un véritable complot contre le peuple congolais à qui on veut confisquer de manière illégale son droit légitime de se choisir ses dirigeants. Car, bien que constitutionnelles, les dispositions auxquelles la Majorité au Pouvoir s'accroche ne précisent nullement combien de temps cette situation qu'on peut qualifier d'intérimaire peut perdurer. C'est pourquoi, si les élections générales n'étaient pas organisées dans les délais constitutionnels, il serait judicieux de fixer un délai butoir afin de ne pas favoriser une confiscation du Pouvoir. Et, il reviendra au Souverain Primaire de se prendre en charge et de faire prévaloir ses droits.
Le second point de divergence concerne la certification des résultats électoraux par la MONUSCO telle que souhaitée par l'Opposition et la Société Civile mais rejetée par la Majorité au Pouvoir au motif que cela entacherait la souveraineté nationale.
Il y a lieu de se demander de quelle souveraineté parle-t-on ?
En effet, lorsque le budget national est financé à plus de 50% (cinquante pourcent) par la Communauté Internationale et que la CENI a les yeux braqués sur les bailleurs des fonds extérieurs afin de réaliser la mission qui lui est assignée, pourquoi n'évoque-t-on pas la souveraineté nationale ?
Et si l'on est vraiment décidé à organiser des élections libres, démocratiques et transparentes, pourquoi alors éviter la présence d'un témoin gênant ?
Cette dissimulation de la Majorité au Pouvoir derrière la préservation d'une souveraineté nationale qui n'existe que dans l'esprit de ceux qui évoquent ce subterfuge doit interpeller le peuple congolais sur les incohérences des personnes qui nous dirigent.
En conclusion, le Forum de réflexion de Pretoria a le mérite d'avoir permis aux politiques congolais de se parler en présence de la Société Civile. Point n'est besoin de diaboliser ceux qui ont pris part à ces assises de haute réflexion et qui ont été invité par les organisateurs dudit Forum ; à ceux qui n'ont pas été conviés à cette rencontre, il est inutile de s'en prendre aux participants car non seulement l'invité n'invite pas dit-on, mais aussi les critères de sélection ne sont connus que des ceux qui ont offert ce cadre de concertation.
Un autre mérite qu'il faille reconnaitre à ce Forum de réflexion de Pretoria, c'est qu'il aura offert l'opportunité aux acteurs politiques de livrer à la population congolaise les intentions cachées des uns et des autres.
De ce fait, le peuple doit rester vigilent et ne permettre à qui que ce soit de lu voler son droit légitime de se choisir ses dirigeants dans le strict respect des règles du jeu à savoir : la transparence, la démocratie et la liberté.
Peuple congolais, une fois de plus l'histoire vous fixe rendez-vous. Ne le manquez pas cette fois-ci.
Fait à Kinshasa, le 19 Mars 2011
TAKELE LUKOKI